Paris, Théâtre des Mathurins
Henri IV le bien aimé de Daniel Colas
Une page d’Histoire
Dix-huit acteurs sur scène ! Du quasiment jamais vu dans un théâtre privé ! Il y a exactement14 acteurs et 4 figurants dans la nouvelle production des Mathurins, Henri IV le bien aimé. Une folie où l’auteur-directeur de la salle prend courageusement des risques fort inhabituels en temps de crise. Peut-être sera-t-il récompensé de son audace. Le spectacle surprend par son ampleur et le soin apporté au moindre détail. Que mettre en valeur dans l’histoire d’Henri IV, le protestant devenu catholique pour faire régner la tolérance avec les nouvelles exigences de l’édit de Nantes ? Alors qu’on attendrait une pièce centrée sur la sensualité du personnage, Colas a construit une vraie pièce politique où l’amour des femmes a sa place mais pas la première. La vie du roi est une perpétuelle persécution : cet homme bon est entouré de mauvaises gens, acharnés à sa perte ou à leur propre jouissance. Il ne peut s’entendre avec le prince de sang, Gabrielle d’Estrées le manipule pour être reine mais en vain. Lui-même trompe sa femme sans choquer, jusqu’au moment où il fait scandale en s’amourachant d’une fille de quinze ans. Ravaillac, avec qui commence la pièce construite en flash-back, enchantera une foule d’opposants quand il tuera le roi… Tels sont les aspects que Colas privilégie dans sa fresque théâtrale.
Le spectacle, très visuel, est attaché à traduire le climat lourd, empoisonné, tourbillonnant de la Cour. Colas place et déplace ses comédiens avec la même habileté qu’il mène son texte en scènes courtes et drues, avec des répliques cinglantes et savoureuses. Jean-François Balmer incarne le monarque avec une volupté visible : il sait être l’homme d’autorité et de plaisir qu’était le souverain gascon, mais aussi l’enfant qui restait en lui, touchant et dépassé par la cruauté du monde. C’est un grand rôle pour ce grand comédien. Dans le rôle de la reine délaissée, Béatrice Agenin est toute en puissance féline. On est également heureux de la retrouver dans une partition importante. Parmi leurs partenaires, tous présents et nuancés, on apprécie particulièrement Maxime d’Aboville. Ce jeune comédien s’était révélé aux Mathurins dans Le Journal d’un curé de campagne de Bernanos. Le voilà dans un rôle très différent, celui du prince jaloux aux mœurs bien opposées à celle d’Henri IV. Il donne à tous ses passages une fascinante nervosité. Dans une parfaite forme classique, une bien belle page d’Histoire.
Henri IV le bien aimé, écrit et mis en scène par Daniel Colas, décor d’Agostino Paca, costumes de Jean-Daniel Vuillermoz, musique d’Emmanuel Herschon, lumières de Daniel Colas, avec Jean-François Balmer, Béatrice Agenin, Coralie Audret, Wavier Lafitte, Yvan Garouel, Jean-Paul Comart, Jean-Yves Chilot, Maud Baecker, Vincent Deniard, Bernard Tixier, Philipp Rigot, Hbert Drac, Olivcier Pajot et Maxime d’Aboville. Théâtre des Mathurins tél. : 01 42 65 90 00. Durée : 2h30, entracte compris.
© Bernard Richebé