(Hamlet, à part) par Loïc Corbery
Un cabinet de curiosités
Dans le cadre de « Singulis », certains acteurs de la Comédie-Française ont carte blanche, à partir d’une idée soumise à l’administrateur, Eric Ruf. L’initiative de Loïc Corbery est fort originale. Il n’a jamais rêvé de jouer Hamlet mais il prend plaisir à traquer Hamlet dans les échos que la pièce a pu avoir dans la réflexion et l’interprétation depuis quatre siècles. Il donc réuni ce qu’il appelle, dans un entretien avec Chantal Hurault, un « cabinet de curiosités » : il n’y a pas seulement des textes, mais des enregistrements de personnalités et des musiques qui peuvent rejoindre le leitmotiv du
prince du Danemark. (Hamlet, à part) dit le titre, parce que le héros de Shakespeare est souvent seul, à l’écart des autres, et parce qu’il est intéressant de le saisir dans cette solitude et de suivre en quoi, dans son isolement, il réfléchit sur le théâtre.
L’anthologie réunie par Corbery est incroyable. Une feuille, remise au public à la fin du spectacle, permet de découvrir qu’on a commencé par des mots de Victor Hugo et fini par Shakespeare traduit par François-Victor Hugo, mais qu’on a au passage bénéficié de propos écrits ou parlés de Marc Citti, Caubère, Kédaré, Roth, Bergman, Avron, Vilar, Chéreau… Même la grande Sarah Bernhardt est là, dans un entretien où elle dit préférer les rôles masculins, bien plus intelligents que les rôles féminins.
Dans une sorte d’antre claire et obscure, de bureau encombré, Loïc Corbery passe d’une émotion à l’autre, tantôt doux, tantôt furieux, emporté par les courbes de pensées changeantes. De temps à autre, il met sur une platine un disque en vinyl. La soirée ne ressemble à aucune autre. Peut-être les moments parodiques, moqueurs sont-ils inutiles. Ce qui emporte, c’est le songe ici poursuivi, dans une grande intensité du jeu et de la méditation : le songe d’Hamlet, le songe de l’humanité autour d’Hamlet, le songe de Loïc Corbery autour d’Hamlet et d’une humanité folle d’Hamlet.
(Hamlet, à part), conception et interprétation de Loïc Corbery.
Studio-Théâtre, Comédie-Française, 20 h 30, tél. : 011 44 58 15 15, jusqu’au 24 février. (Durée : 1 h 30).
Photo Christophe Raynaud de Lage.