Girls and Boys de Dennis Kelly
Le coup de foudre et l’orage qui a suivi
Les amateurs connaissent le théâtre de l’Anglais Dennis Kelly (L’Abattage rituel de Gorge Mastromas, Mon prof est un troll, Love and Money, Orphelins) ; ses pièces, essentiellement jouées dans le secteur public, donnent une image parfois étrange, toujours complexe, du monde social et des sphères économiques, qui ont souvent trouvé en France une mise en scène pertinente mais une aura encore limitée. A présent, c’est le théâtre privé parisien qui prend le risque de créer Girls and boys, dans l’excellente traduction de Philippe Le Moine. Et c’est une grande nouvelle que le cercle autour de Kelly s’élargisse, en touchant un circuit plus grand public, sans rien perdre de la rigueur nécessaire.
Une femme se raconte. La mise en scène de Mélanie Deray la place dans chez elle, dans sa salle à manger. Il y a même des invités (on a demandé à quelques spectateurs de s’installer sur le plateau, de boire et manger pendant que joue la comédienne – on peut postuler à ce délicat privilège, qu’avait proposé autrefois Daniel Benoin quand il avait mis en scène Festen - en contactant le théâtre). La vie de cette jeune femme est devenue brûlante, explosive, le jour où elle a rencontré un inconnu dans un aéroport. Le coup de foudre les a poussés l’un vers l’autre en quelques secondes. Ils ont vécu ensemble tout de suite, eu deux enfants. Mais la passion n’a pas duré. Le mari a eu, côté affaires, de sérieux soucis. La femme a voulu se rapprocher de lui. Mais l’amour était fini. Et la tragédie allait se développer, aller encore plus loin dans la souffrance et la destruction.
L’actrice, Constance Dollé, n’a pas de partenaires (autres que les invités postés à sa table !) mais la pièce n’est pas reçue comme un monologue tant l’interprétation et la mise en scène lui donnent une vie intense et changeante. La soirée commence comme une causerie comique et, insensiblement, aborde d’autres zones, où l’on plongera plutôt dans l’émotion et le frémissement. Constance Dollé se déplace sur le fil tremblé de cette histoire en bascule avec une grâce infinie. Elle s’adresse à des enfants absents, aux inconnus qui l’observent à bout portant, au public, se replie sur elle-même et s’ouvre à nouveau vers les autres d’une manière qui sait être à la fois grave et aérienne. Tant de beauté dans la peinture d’un orage, c’est l’un des plus beaux moments de ce début d’année.
Girls and Boys de Denis Kelly, traduction de Philippe Le Moine (éditions de l’Arche), mise en scène de Mélanie Leray, scénographie de Vlad Turco, lumièes de François Menou, avec Constance Dollé.
Théâtre du Petit Saint-Martin, 19 h et 21 h selon les jours, tél. : 01 42 08 00 32. (Durée : 1 h 20).
Photo DR.