Finnegans Wake – chap.1 de James Joyce
Vivre avec nos doutes
Après l’audacieuse expérience des « Arpenteurs » le Théâtre de l’Aquarium prend un nouveau risque en nous glissant discrètement sous la porte une adaptation à la scène d’un chapitre du roman de James Joyce …
Il est vrai que nous sommes un peu déroutés, car la facture théâtrale est peu ordinaire. De plus, l’ensemble du principe s’appuie sur l’économie : pas d’effets spectaculaires, pas de décor, mais une belle idée de scénographie : un grand cyclorama nous fait déferler la rivière Liffey qui passe à Dublin. Ainsi a-t-on l’impression que le fleuve s’évanouit sous le proscenium. L’acteur Scharif Andoura, perpendiculaire à la salle, laisse couler son histoire et nous la raconte. Il nous la livre en cascade, la mémoire du personnage abonde, coule et repart à la pêche aux souvenirs en accrochant çà et là quelques traces de la mémoire ancestrale…
Bien sûr ; nous ne sommes pas à même de tout entendre et de tout comprendre puisque le texte est une série d’onomatopées, de jeux de phonétique ou d’acoustique qui nous perturbent dans notre tête bien empreinte de notre littérature figurative.
Il est vrai que ce genre de travail nous rapproche de Valère Novarina, voire Pérec ou autres acrobates des mots qui pourraient se suspendre aux fils du « mouvement Oulipo ».
Alors l’acteur est là sur scène nous projetant son talent et toute sa générosité. C’est vrai qu’il a l’air d’être diablement heureux d’occuper le plateau. De plus il sait très bien nous cacher la difficulté du rôle. Les différentes alternatives du personnage ne sont pas franchement avouées.
L’acteur a l’habileté de ne pas fermer son interprétation. Rien n’est clos, et, comme dans la vie, il faut vivre avec nos doutes.
Ce qui est également séduisant dans cette expérience théâtrale c’est la mobilité narratrice du personnage . En étant attentif on remarque qu’il y a plusieurs positions de la part du narratrice. Le narrateur ainsi se déplace d’un point à l’autre de la dramaturgie pour positionner le texte dans un certain type d’énoncé.
C’est ce point de jonction entre l’énoncé du réel et l’énoncé du fictif qui crée tout le relief d’une représentation théâtrale et c’est justement là, qu’à son tour, le public, vient inconsciemment se positionner. L’ensemble relève d’une gymnastique difficile.
L’équipe d’Antoine Caubet semble y avoir réussi ! Merci.
Article Théâtre de l’Aquarium , « Finnegans Wake – chap.1 » de James Joyce. Mise en scène : Antoine Caubet, traduction : Philippe Lavergne. Jusqu’au 19 Février 2012 Tel : 01 43 74 99 61
Quelques réflexions pour accompagner l’acteur Sharif Andoura dans sa descente de la rivière Liffey.