Festival d’Avignon cru 2013

Avec vue sur l’Afrique

Festival d'Avignon cru 2013

Vendredi 26 juillet s’est achevé la 67ème édition du Festival d’Avignon et la dernière concoctée par le tandem Hortense Archambault –Vincent Baudrier et puissamment contaminée par les deux artistes associés : Stanislas Nordey et Dieudonné Niangouna, tous deux comédiens metteurs en scène à la forte conscience politique. Dissemblables par le terreau de leur inspiration, ils ont en commun la passion des textes et d’un théâtre qui parle haut et fort de l’état du monde.

Traversée de cris de rage, - celui de l’espagnole Angélica Lidell ( todo el cielo sobre la tierra ), ou celui qui sourd de Au-delà , chorégraphie violente pulsée de rage du congolais DeLaVallet Bidiefono -, cette édition se présentait comme un dialogue entre une Europe déprimée par le néo-libéralisme et une Afrique déchirée en proie à ses fracas. D’entrée, le ton fut donné, avec Par les villages de Peter Handke, mis en scène par Stanislas Nordey et avec le spectacle de Dieudonné Niangouna Sheda , présenté dans la Carrière Boulbon. Deux spectacles de hautes exigences et diversement accueillis comme le furent kabaret Warszawski du polonais Warlikowski ou encore Lear is in town de Ludovic Lagarde.

Le Faust de Goethe dans sa version intégrale, spectacle marathon de 8h30 proposé par l’allemand Nicolas Sterman restera comme un des moments singuliers du festival, tout comme Les Particules élémentaires adaptées du roman de Houellebecq qui aura permis la révélation du jeune metteur en scène Julien Gosselin. De la diversité des propositions, théâtre, danse, performances et autres formes à la croisée de divers chemins, resteront dans les mémoires Sans doute de Jean-Paul Delore, « Oratorio électrique » mixé de textes d’Eugène Durif, Mia Couto, Sony Labou Tansy et Dieudonné Niangouna qui participait également au spectacle, comme le désopilant Germinal où l’on voit une bande de nouveaux Candide tenter de réorganiser le monde chamboulé par l’informatique, ou encore Projet lucioles jouissive et ludique promenade philosophique avec Judith Henry , Nicolas Bauchaud et Nicolas Truong pour guide.

Clap de fin et passage de relais

À côté d’un programme obstiné « à varier les angles de vue », et comme pour proposer un bilan en 3D de leur dix ans à la tête du Festival, les deux codirecteurs avaient invité quelques anciens artistes associés ou grands assidus du Festival à venir pour une soirée présenter le spectacle de leur choix. Ont ainsi été présents Guy Cassier, Peter Brook, Thomas Ostermeier, Jan Fabre, Roberto Castellucci et Valérie Dreville, Patrice Chéreau et les chorégraphes Sasha Waltz et Joseph Nadj.

Quant au bilan de la version 2013, il a eu lieu deux jours avant le clap de fin, au cours d’une conférence de presse qu’Hortense Archambault et Vincent Baudriller ont eu l’élégance d’organiser comme un passage de relais, en commençant par accueillir à la tribune, en lui souhaitant la bienvenue, leur successeur Olivier Py qui a tenu à saluer leur travail : « Vous avez trouvé le Graal du Festival, allier l’exigence, voire la radicalité artistique et l’adhésion du public, seule définition du théâtre populaire » a-t-il notamment dit, donnant ainsi tort à ceux qui accusent le duo d’avoir, sous le parapluie de Jean Vilar, transformé le Festival en une manifestation pour happy few. Olivier Py s’est également félicité de l’héritage, celui de la FabricA qui ancre le festival dans son territoire, non sans s’interroger sur les moyens de faire vivre antiquement et socialement cette « Villa Médicis » avignonnaise.

Au cours de cette conférence de presse qui s’est terminée par une standing ovation du public à l’adresse du tandem Archambault-Baudrier, Stanislas Nordey a tenu à souligner, comment seul en scène, il a ressenti « l’extraordinaire écoute » des 2000 spectateurs de la Cour d’Honneur, « Alors que beaucoup de choses nous poussent à être peureux, une telle écoute donne confiance dans l’être humain ». Pour sa part, Dieudonné Niangouna pour qui, là d’où il vient, « ce genre de rencontre n’est pas évident », a tenu à s’expliquer sur son théâtre et sa pratique porteuse d’écritures mal comprises, mal entendues, « mais l’enjeu est que vous soyez là » a-t-il précisé ajoutant : « Cette parole, ces déchirures du monde sont des écritures à part entière ».
Pour leur dernière édition, les deux co-directeurs peuvent se féliciter d’une fréquentation en hausse, passée de 90% les années précédentes à 95% cette année avec 128.000 billets délivrés, auxquels s’ajoutent 13.000 spectateurs aux manifestations gratuites et 13.000 entrées aux rencontres de l’école d’art, aux débats et aux diverses lectures.

Tandis que le Festival In baissait ses rideaux, le Off, de plus en plus obèse, - 1258 spectacles proposés – organisait avec la compagnie Générik Vapeur, une seconde parade place Pie, histoire de faire savoir au public qu’il restait sur le pont jusqu’au 31 juillet, excepté une vingtaine de lieux francs-tireurs qui ont préféré s’aligner sur les dates du In.

Photo : Christophe Raynaud de Lage. "Sheda"

A propos de l'auteur
Dominique Darzacq
Dominique Darzacq

Journaliste, critique a collaboré notamment à France Inter, Connaissance des Arts, Le Monde, Révolution, TFI. En free lance a collaboré et collabore à divers revues et publications : notamment, Le Journal du Théâtre, Itinéraire, Théâtre Aujourd’hui....

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