En tournée
{Ecrits d’amour} de Claude Bourgeyx
Chassés-croisés épistolaires
Le théâtre révèle parfois aux écrivains que leur écriture est théâtrale. C’est ce qui est arrivé au discret Claude Bourgeyx, auteur très estimé qui ne sort guère de la ville où il est né et où il vit, Bordeaux. Claude Piéplu, Anémone, Bernadette Lafont ont joué ses textes, de telle sorte qu’il est devenu un auteur dramatique à part entière. A présent, Jean-Claude Falet monte les Ecrits d’amour de Bourgeyx. Ecrits comme des cris, on a compris l’ironie du titre. Mais écrits-cris aux crissements comiques. Ce sont de courts textes qui vont par paire. Une lettre s’adresse à un interlocuteur qui lui répond. C’est dans cet échange qu’est la comédie car ces couples ne se racontent pas tout à fait la même chose, expriment une passion qui ne se nourrit pas exactement des mêmes sentiments et qui, en jouant de grands airs d’opéra, ne vole pas vers le sublime. Dans le premier échange, un mari écrit à sa femme qu’il passe un merveilleux voyage de noces à Venise, mais tout seul, mais sans elle ! Elle était censée ne pas aimer Venise. Elle répond en disant qu’elle aimera les diapositives qu’il rapportera. Dans le second, un homme qui se dit malade appelle son ancienne femme au secours mais, celle-ci, lassée par des suppliques exagérées qui n’ont pas cessé depuis leur séparation, exige le prix du billet de train. Et ainsi de suite : situations folles et si banales !
Avec pour seuls partenaires un tabouret, un chapeau et un paquet de feuilles volontiers volantes, Jean-Claude Falet passe constamment d’un personnage à l’autre. Sans rire, il entre dans ces états d’âme, ces illusions, ces déclarations, ces désillusions, pour en faire palpiter la naïveté, la cruauté et la drôlerie. L’exercice exige de la nuance et de la douceur simulée, pour que le tranchant coupe sous l’apparence de l’innocence. Falet porte ses personnages avec bienveillance pour donner plus encore de vérité à un auteur qui les accable. Bourgeyx entre lui-même en scène avec sa voix enregistrée et aussi un texte où il se représente poursuivi par une admiratrice encombrante. La soirée est infiniment savoureuse, Falet prouvant qu’il n’y a pas de malheur à avoir de l’esprit, contrairement à ce que disait un auteur russe qui n’en manquait pas.
Ecrits d’amour de Claude Bourgeyx, mise en scène et interprétation de Jean-Claude Falet, « avec la complicité de l’auteur ». Collaboration artistique de Jacques Bourdat, direction d’acteur de Sei Shomi, lumière de Thierry Rousseau, son de Cédric Poulicard.
En tournée : Mont-de-Marsan, 26 février. Soustons, 19 mars. Angresse, 6 mars. Montaut, 7 mars. Roquefort, 21 mars. Orange, 9-11 mai. Lyon (L’Etoile royale), 12-15 mai.