Dieu habite Düsseldorf de Sébastien Thiéry

Bienvenue en nos cauchemars climatisés !

Dieu habite Düsseldorf de Sébastien Thiéry

Sébastien Thiéry (Deux hommes tout nus, Momo) revendique de faire du boulevard absurde. Mais si ses textes allaient plus loin que le pense l’auteur ? Les comédiens Renaud Danner et Eric Verdin en sont convaincus, surtout quand il s’agit des premiers sketches de Thiéry, Sans ascenseur et Dieu habite Düsseldorf, où ils ont fait un choix particulièrement explosif. Première scène : un homme est reçu dans un établissement réservé aux « imbéciles » et sera soigné en conséquence. Ensuite, l’on a droit à un personnage qu’on va priver d’ouïe, à un autre qui, né sans sexe, vient en acheter un à une boutique fort bien équipée, à un vieillard empaillé avant la mort et à d’autres héros pris dans la tourmente d’un monde qui broie l’individu en lui fabriquant un bonheur cauchemardesque. Bienvenue en nos prisons climatisées, semble dire Thiéry qui évoque, pour les responsables du spectacle, Kafka, Kubrick, Lynch et quelques autres imagiers d’un présent déjà happé par un futurisme cannibale.
Les deux interprètes se sont mis en scène eux-mêmes. Bravo ! Aucun flottement dans une mise en scène clinique à l’intérieur d’un décor qui fleure bon l’hôpital et le labo avec ses tons blancs et polaires ! Il y a juste l’intervention d’un micro, dans l’un des sketches, qui paraît inutile. L’ensemble est mené dans un formidable climat de tranquillité apocalyptique. Renaud Danner joue plutôt les victimes confiantes face au système faussement bienveillant : il est parfait dans l’interprétation de la naïveté de l’homme moderne, du cadre moyen réduit à être confiné dans une terrifiante moyenne. Eric Verdin incarne plus l’exécutant que l’exécuté. C’est un bourreau sans état d’âme, endossant des certitudes venues d’ailleurs. On sait quel grand comédien est Eric Verdin (qui joue par ailleurs à la Luna Des amis fidèles d’Eric Rouquette). Il est là un maître de l’impassibilité fermée sur un vide mystérieux.De même que l’écriture de Sébastien Thiéry ne reste pas sur une seule ligne et se renouvelle avec fantaisie, le jeu de Renaud Danner et Eric Verdin multiplie les variations sous leur apparente glaciation. De sorte que, d’un effroi à l’autre, l’on est sans cesse et sans répit secoué de rires.

Dieu habite Düsseldorf, sketches de Sébastien Thiéry, mis en scène et interprétés par Renaud Danner et Eric Verdin.

Au Lucernaire jusqu’au 8 juin 2019 à 21h. Durée : 1h10. Résa : 01 45 44 57 34.

Photo DR.

A propos de l'auteur
Gilles Costaz
Gilles Costaz

Journaliste et auteur de théâtre, longtemps président du Syndicat de la critique, il a collaboré à de nombreux journaux, des « Echos » à « Paris-Match ». Il participe à l’émission de Jérôme Garcin « Le Masque et la Plume » sur France-Inter depuis un quart...

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