Deux Euros vingt de Marc Fayet

La belle équipe

Deux Euros vingt de Marc Fayet

Le théâtre chaleureux de Marc Fayet (Jacques a dit, Des gens intelligents) parle le plus souvent des copains, de la camaraderie, de l’amitié. La pièce précédente, L’Ordre des choses, changeait de domaine, tournait autour d’un don du sperme qui avait des conséquences inattendues ! Avec Deux Euros vingt, Fayet revient à son thème favori de la camaraderie toujours mise en cause par la chamaillerie. Cette fois, trois couples ont loué une même maison en Provence pour leurs vacances. Tout le monde s’aime bien, mais l’entente souffre de petites jalousies et de minuscules rivalités. Certains sont moins heureux que d’autres, ou bien ont des problèmes d’argent que leurs amis ont la chance de ne pas connaître. Celui qui a organisé le séjour a une idée tout à fait perverse : il laisse traîner deux euros vingt en pièces, dans un bol, là où tout le monde passe. De quoi déclencher l’envie de subtiliser cette précieuse monnaie. Et de quoi, surtout, susciter un désaccord général quand il s’avère que les pièces un jour dérobées dans le bol ont permis d’acheter un billet gagnant au Loto. Chacun s’attribue un rôle dans la possession ou la manipulation des pièces de monnaie en pensant au gros lot qui pourrait être partagé…
La comédie est étrangement construite : le personnage central, joué avec malice et autorité par Marc Fayet lui-même, vient souvent parler directement au public. Et, quand l’affaire arrive à sa conclusion, Fayet nous informe qu’il aurait pu, à partir de ce même point de départ, raconter une toute autre histoire. Pourquoi ne le fait-il pas ? On se souvient de Smoking et de No Smoking d’Alan Ayckbourn où une relation de couple changeait du tout au tout selon que les personnages avaient une cigarette aux lèvres ou ne fumaient pas. Deux versions se succédaient dans un étonnant jeu de miroirs. Fayet a les moyens de construire une facétie plus vertigineuse où tout changerait en fonction d’un détail. Celle-ci reste entre deux chaises, mais tout y est bien vu, dans une succession de scènes d’une grande drôlerie que José Paul a orchestrée avec un sens très sûr des bonds et des rebonds. Quelle belle équipe ! A côté du gouailleur Marc Fayet, l’on a Lysiane Meis, imparable dans son charme écervelé, Gérard Loussine, si plaisant en prolétaire narquois, Michèle Garcia, qui prend une place à part avec une sorte de distance profonde, Caroline Maillard, tout en éclats joyeux, et Michel Lerousseau, peintre parfait des mauvaises humeurs. C’est toute une bande qu’on vient voir ici, nous renvoyant une image de nous-même déformée mais si vraie !

Deux Euros vingt de Marc Fayet, mise en scène de José Paul, décor d’Edouard Laug, lumières de Laurent Béal, costumes de Pauline Zurini, musique de Virgile Hilaire, collaboratrice à la mise en scène : Delphine Piard, avec Lysiane Meis, Michèle Garcia, Caroline Maillard, Marc Fayet, Gérard Loussine, Michel Lerousseau.

Théâtre Rive Gauche, 19 h, tél. : 01 43 35 32 31. (Durée : 1 h 20).

Photo DR : Michèle Garcia et Lysiane Meiss.

A propos de l'auteur
Gilles Costaz
Gilles Costaz

Journaliste et auteur de théâtre, longtemps président du Syndicat de la critique, il a collaboré à de nombreux journaux, des « Echos » à « Paris-Match ». Il participe à l’émission de Jérôme Garcin « Le Masque et la Plume » sur France-Inter...

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