Liège -Opéra royal de Wallonie

DIE ENTFUHRUNG AUS DEM SERAIL -L’ENLEVEMENT AU SERAIL de Wolfgang Amadeus Mozart

Quand la turquerie prend les couleurs de l’humanisme…

 DIE ENTFUHRUNG AUS DEM SERAIL -L'ENLEVEMENT AU SERAIL de Wolfgang Amadeus Mozart

Joli succès à Liège pour ce Mozart souriant et humaniste créé à l’Opéra Royal de Wallonie en coproduction avec l’Opéra de Montpellier et Angers Nantes Opéra. Christophe Rousset, délaissant ses Talens Lyriques, a dirigé en finesse l’orchestre maison, la mise en scène d’Alfredo Arias évitait les turqueries bouffonnes, les décors de Roberto Platé lui emboîtaient le pas avec un jeu de tulles et de rideaux s’ouvrant et se refermant sur le cadre doré d’un tableau. La distribution alliait quelques grandes sensations à une belle homogénéité.

Mozart avait tout juste 26 ans lorsque l’empereur Joseph II lui passa commande d’un divertissement musical sur l’un des thèmes à la mode d’alors, une « turquerie » inspirée d’un empire ottoman imaginaire et farceur. Une pièce de théâtre d’un certain Bretzner lui servit de toile de fond, Gottfried Stéphanie en rédigea le livret, il en fit un « Singspiel » - « jeu chanté » - dont la création au Burgtheater de Vienne en juillet 1782 fit dire à l’empereur ce bout de phrase entré dans la petite histoire et ses légendes : « Trop de notes »…

Ce « Trop de notes » pourrait s’appliquer à la partition que Mozart réserva au personnage de Constance, l’héroïne et le pivot de la comédie (elle porte le même prénom que son épouse), tant les contre-fa y tracent des montagnes russes et en font l’un des rôles les plus périlleux du répertoire. Le défi est ici joliment relevé par la jeune soprano colorature italienne Maria Grazia Schiavo qui enfourche son personnage avec la santé de celle qui ne s’en laisse pas conter, vocalisant sans défaillir des aigus pointus aux graves de velours, se jouant de la passion qu’elle inspire à Selim Pacha (rôle parlé interprété en sensibilité et fragilité par le comédien suisse Markus Merz), l’émir qui l’a achetée à des pirates avec ses serviteurs Pedrillo (Jeff Martin joliment astucieux) et Blonde (Elisabeth Bailey, soprano anglaise pur jus) qui entrave avec malice les avances du vilain gardien Osmin (la basse allemande Franz Hawlata dans une savoureuse composition). Belmonte, l’amant de cœur, le fiancé promis (Wesley Rogers, ténor américain au timbre souple et à l’impeccable diction), a retrouvé sa trace et se livre, en ruses diverses, à une course poursuite dans les profondeurs du sérail. Selim Pacha ravale son dépit et son chagrin, et, magnanime, accorde son pardon aux couples reconstitués. C’est le message de tolérance et de fraternité cher à Mozart

Alfredo Arias, l’argentin de Paris qui, à la fin des années soixante, y fonda le groupe TSE, l’un des plus inventifs et novateurs de l’époque –on lui doit, entre autres, l’inoubliable Eva Peron de Copi et les non moins inoubliables Peines de cœur d’une chatte anglaise -, se montre attentif au message. Presque trop. Sa mise en scène tourne le dos au grotesque des traditionnelles turqueries, elle est souvent poétique mais manque du ressort comique qui sous-tend la comédie.

L’ensemble surfe sur une surface polie. Tout est joli à voir et à entendre. Jusqu’aux musiciens merveilleusement attentifs aux battues dansantes de Christophe Rousset.

L’Enlèvement au sérail - Die Entführung aus dem sérail de Wolfgang Amadeus Mozart, livret de Gottlieb Stephanie, orchestre et chœurs de l’Opéra Royal de Wallonie, direction Christophe Rousset, chef de chœurs Marcel Seminara, mise ne scène Alfredo Arias, décors Roberto Platé, costumes Adeline André, lumières Jacques Rouveyrollis. Avec Maria Grazia Schiavo, Wesley Rogers, Franz Hawlata, Elisabeth Bailey, Jeff Martin et Markus Merz .

Théâtre Royal de Liège du 25 octobre au 2 novembre 2013 à 20h
Palais des Beaux-Arts de Charleroi le 10 novembre à 16h


+32 (0)4 221 47 22 – www.operaliege.bewww.pba.be

Photos Jacky Croisier

A propos de l'auteur
Caroline Alexander
Caroline Alexander

Née dans des années de tourmente, réussit à échapper au pire, et, sur cette lancée continua à avancer en se faufilant entre les gouttes des orages. Par prudence sa famille la destinait à une carrière dans la confection pour dames. Par cabotinage, elle...

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