Citizen Jobs de Jean-François Peyret
L’homme à la pomme
Le théâtre de Jean-François Peyret est très singulier dans notre paysage dit dramatique. Traitant de science et de philosophie, est-ce de la pédagogie explosée ? Des visions décomposées de l’essence des choses ? Une analyse spectrale de tel thème ou de tel personnage ? C’est toujours un peu cubiste ! D’un précurseur de l’écologie, David Thoreau (Re :Walden) il passe à l’un des gourous des temps modernes, Steve Jobs, l’inventeur d’Apple et de McIntosh, auquel il consacre un spectacle en forme de solo.
La scène est vide, jusqu’à ce que l’unique comédien, Jos Houben fasse entrer quelques billots puis une cabane toute blanche : superbe décor de Nicky Rieti dont la baraque opère la liaison entre l’esprit de nature et le design épuré d’Apple. Pourquoi cette évocation de Jobs sous la forme d’un moment en forêt ? Parce que le patron le plus imaginatif de la sphère informatique a d’abord été hippie. Les marches champêtres et l’attitude « Peace and Love », ce fut son terreau. Dans ce cadre, une hache à la main, Jos Houben, qui est un grand clown, s’exprime en français et en anglais. Il annonce un spectacle qui n’aura pas lieu, avec une foule de partenaires qui ne viendra pas. Il part au contraire dans un exposé burlesque où tout est à double sens, se servant d’une hache en bûcheron pensif et en jonglant avec les pommes – la marque d’Apple, come chacun sait. Immense gaillard, sortant de ses poches des ustensiles inattendus, c’est un artiste dont l’habileté et le sens du gag inédit le situent à la hauteur des grands clowns historiques. Tout en parlant de Jobs, il peut écrire la main derrière le dos ou prononcer un discours le corps visible et la tête invisible. Il recourt un peu à la magie, mais le magicien du jeu, c’est lui.
Les informations sur Jobs arrivent en faisceaux. Le portrait de Jobs par Peyret est contrasté, contradictoire, d’un éclairage neuf et d’un irrespect bien-fondé, qui suscite à doses égales rires savants et rires enfantins.
Citizen Jobs écrit et mis en scène par Jean-François Peyret, scénographie de Nicky Rieti, lumières de Bruno Goubert, magie de Stefan Leyshon et Alain de Mayencourt, avec Jos Houben.
Le Centquatre, tél. : 01 53 35 50 00, jusqu’au 15 mars. (Durée : 1 h 10).
Photo Maella-Mickaelle Maréchal.