Critique –Opéra & Classique
Benvenuto Cellini d’Hector Berlioz
John Osborn, un Benvenuto idéal
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- 28 mars 2018
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L’événement était doublement attendu. Le retour sur la scène de l’Opéra de Paris d’une œuvre explosive qui avait quitté son répertoire depuis 1993 et l’arrivée d’un metteur en scène qu’on n’attendait pas dans ce registre : Terry Gilliam, l’une des âmes des légendaires Monty Python et le réalisateur de nombreux films (Sacré Graal, Brazil, Les Frères Grimm, Bandits, bandits…)
Musicalement, scéniquement le résultat tient de la réussite. On peut s’étonner toutefois que pour ce chef d’œuvre 100% français, l’Opéra de Paris présente une production où ne figure aucun français, ni parmi les chanteurs, ni à la tête de son orchestre, le maestro Philippe Jordan étant de nationalité suisse. Il est vrai que cette réalisation modèle créée en 2014 à l’English National Opera de Londres a déjà, depuis cette date, fait un petit tour d’Europe lyrique notamment sur les scènes d’Amsterdam, Barcelone et Rome où elle rencontra à chaque fois succès et enthousiasme.
Des décors en trompe-l’œil, en folie, et en références souriantes à Piranèse, ressuscitent l’exubérance des carnavals jusqu’à envahir la salle où déambulent acrobates, et marionnettes aux masques géants tandis que les spectateurs sont arrosés de confettis multicolores…
Les gags se succèdent à toute vitesse. Berlioz est cuisiné à la sauce bouffe et son héros transformé en clown de la transcendance artistique. Le sculpteur Cellini est en recherche de commande. Celle que vient de lui passer le pape Clément VII lui est disputée par son rival Fieramosca, un assoiffé de pouvoir qui se pose également en prétendant de sa bien-aimée Teresa, la fille de Balducci, le trésorier du pape. Provoqué en duel par Pompeo, l’ami de son concurrent candidat, Cellini le tue. Pour échapper à la peine de mort que lui vaut cette victoire obligée, il devra dans la nuit même livrer la sculpture en commande.
Après bien des tergiversations et menaces de censure – la présence d’un pape au cœur d’un opéra bouffon était considérée comme un affront - la création en 1838 de ce premier opus lyrique de Berlioz fut un échec cuisant. Il fut retiré de l’affiche un an plus tard. Et ne retrouva la scène de l’Opéra de Paris qu’en 1972. Un bien long silence pour une musique quasi explosive qui sonne et résonne de beautés et d’audaces.
Le ténor américain John Osborn investit Cellini de corps, de cœur, de voix chantée et parlée. Son français frôle l’absolue perfection, sa diction est perlée, son chant à la fois profond et léger. On le constate bien souvent, seuls les émules des écoles de chant américaines possèdent ce supplément de formation qu’est l’élocution. A ses côtés Pretty Yende apporte la volupté de son timbre et une petite touche d’exotisme à Tereza tandis que la mezzo québéquoise Michèle Losier se coule en souplesse virtuose dans le personnage d’Ascanio. Ses partenaires, Maurizio Muraro/Balducci, Audun Iversen/Fieramosca, Marco Spotti/le Pape chantent les notes en sacrifiant les paroles. Les surtitrages sont alors bienvenus.
Philippe Jordan dirige les instrumentistes maison avec vigilance et docilité. Berlioz résonne en grandeur mais il lui manque quelques paillettes, ces éclats de diamant qui parsèment de jeunesse et d’humour sa musique.
Benvenuto Cellini d’Hector Berlioz, livret de Léon de Wailly et Auguste Barbier, Orchestre et Chœurs de l’Opéra national de Paris, direction Philippe Jordan, chef des chœurs José Luis Basso, mise en scène Terry Gilliam, décors Terry Gilliam et Aaron Marsden, costumes Katrina Lindsay, lumières Paul Constable. Avec John Osborn, Maurizio Murano, Audun Iversen, Pretty Yende, Marco Spotti, Michèle Losier, Vincent Delhourne, Luc Bertin-Hugault, Rodolphe Briand, Se-Ji Hwang.
Opéra Bastille, les 20, 23, 26, 29 mars, 4, 7, 11, 14 avril à 19h30, le 1er avril à 14h30.
08 92 89 90 90 - www.operadeparis.fr
Photos Agathe Poupeney