Critique – Opéra & Classique

Aida de Giuseppe Verdi

Pour Sondra Radvanovsky, Aida lumineuse d’une reprise sans surprise

Aida de Giuseppe Verdi

Sans surprise ? Pas tout à fait, lors de la première le 13 juin dernier de la reprise de cette production créée en 2013 par Olivier Py, metteur en scène et Philippe Jordan, chef d’orchestre. Elle avait été, on s’en souvient (voir WT 3878 du 14 octobre 2013), tumultueuse – huées et sifflets – dès les premières scènes. Les grands effets scéniques tout comme le public semblait s’être assagi. Erreur ! A l’entracte, le public était informé que suite à une défaillance technique, une partie des effets de mise en scène n’avait pas pu être reconstituée.

Ceux qui connaissaient le spectacle avaient naïvement imaginé qu’une certaine sobriété avait été jugée préférable aux défilés de chars et autres grands tralalas qui avaient déferlé il y a trois ans. Même s’il bouge moins, le décor de base de Pierre-André Weitz est toujours en place avec ses piliers et ses barreaux dégoulinant d’or et de bronze, ses soldats en treillis, sa ballerine en tutu, ses choristes encagés en étages… De même le transfert historique de la guerre Egypte/Ethiopie vers une bataille Autriche/Italie pour affirmer l’indépendance de celle-ci est toujours de mise, tout comme la conversion des croyances religieuses vers un catholicisme pur et dur. Etrange rebond : la prière aveugle adressée à « l’immense Phta » prend les contours d’une très proche actualité.

Mais l’’essentiel de cet opéra de commande – du khédive/vice-roi d’Egypte pour célébrer l’ouverture du canal de Suez - la grande histoire d’amour et de rivalité amoureuse reste ici remisée au placard. Car cette Aida aux trompettes glorieuses est avant un opéra d’intimité – élément difficile – mais pas impossible – à maîtriser sur le vaste plateau de Bastille, élément qui manifestement a échappé à Olivier Py. Ancien directeur de l’Odéon, actuel directeur du Festival d’Avignon, metteur en scène doué, il jongle en prestidigitateur avec les réussites et les ratés. Le meilleur comme cette Juive de Fromental Halèvy récemment montée à l’Opéra de Lyon (voir WT 5069 du 27 mars 2016) ou le loupé comme cette Aida de style 3D, conçue à contre sens. Sans la pousser à l’extrême opposé comme l’avait fait Peter Konwitschny pour l’Opéra de Flandres, en l’allongeant sur le divan d’un psychanalyste (voir WT 2861 du 4 juillet 2011), elle aurait pu et dû trouver le souffle de son intimité à Bastille.

Heureusement pour Verdi il y a sa musique et ceux qui l’interprètent. Dans la fosse, Daniel Oren en fait résonner toutes les nuances, les flammes de la passion, la rage de vaincre, le spleen d’une fin consentie. Les chœurs, sur scène et en coulisses, font écho aux états d’âme avec précision. La distribution s’équilibre autour du Roi pète-sec d’Orlin Anastassov, d’Amonasro le vaincu, sobrement rendu à sa dignité par George Gagnidze et du Radamès, carré d’épaule et de timbre de Aleksandrs Antonenko qui fait de l’amoureux convoité par deux femmes, une sorte de colosse d’argile. Les deux femmes, la reine, l’esclave, sauvent l’ensemble. En Amnéris jalouse, tourmentée, la mezzo-soprano Anita Rachvelishvili foule pour la première fois la scène de l’Opéra de Paris et, malgré quelques vibratos, séduit par un timbre capiteux et un jeu engagé. Mais c’est Aida elle-même incarnée en douceur, fermeté, sensualité et des aigus qui planent par Sondra Radvanovsky, une soprano au large diapason qui domine le plateau. Tout en chaleur et émotion, le rôle-titre est superbement défendu. Il vaut à lui seul le déplacement.

Aida de Giuseppe Verdi, livret d’Antonio Ghislanzoni d’après Auguste Mariette. Orchestre et Chœurs de l’Opéra National de Paris, direction Daniel Oren, chef de chœur José Luis Basso, mise en scène Olivier Py, décors et costumes Pierre-André Weitz, lumières Bertrand Killy. Avec Orlin Anastassov, Anita Rachvelishvili (et Daniela Barcelona), Sondra Radvanovsky (et Liudmyla Monastyrska) Aleksandrs Antonenko (et Marco Berti, et Yusif Eyvazov) Kwanhchul Youn, George Gagnidze (et Vitaly Bilyy), Yu Shao, Ileana Montalbetti.

Opéra Bastille, les 13, 22, 25, 28 juin, 1er, 4, 7, 9, 10, 12, 13, 16 juillet à 19h30, le 16 juin à 20h30, le 19 à 14h30.

08 92 89 90 90 - de l’étranger : +33 1 72 29 35 35
www.operadeparis.fr

Photos : Guergova Damianova/ONP

A propos de l'auteur
Caroline Alexander
Caroline Alexander

Née dans des années de tourmente, réussit à échapper au pire, et, sur cette lancée continua à avancer en se faufilant entre les gouttes des orages. Par prudence sa famille la destinait à une carrière dans la confection pour dames. Par cabotinage, elle...

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