Opéra National de Paris jusqu’au 12 février 2014

ALCINA de Georg Friedrich Haendel

Reprise d’une production au label classique signé Carsen…

ALCINA de Georg Friedrich Haendel

C’est la troisième reprise de cette Alcina de Georg Friedrich Haendel qui avait fait son entrée au répertoire de L’Opéra National de Paris en 1999 sous la baguette de William Christie à la tête des musiciens de ses Arts Florissants. La grande Renée Fleming y tenait le rôle-titre, Natalie Dessay révélait ses espiègleries et ses aigus. La mise en scène était signée Robert Carsen. Son élégance, sa sensualité en ont fait un produit indémodable. Un label devenu classique.

Sorcellerie et badinage sont donc de retour dans les ors et velours du Palais Garnier et c’est un plaisir pour l’œil et pour l’oreille. On retrouve les enfilades de murs aux pastels crème, les larges portes qui s’ouvrent et se referment sur des visions en perspectives profondes découvrant des jardins extraordinaires et des chambres aux grands lits défaits sur lesquels se prélassent la magicienne et ses amants, tandis qu’autour d’elle se meuvent au ralenti les hommes mis au service de ses plaisirs.

Car ce chef d’œuvre dont Haendel puisa le sujet dans l’Orlando Furioso de l’Arioste – comme il l’avait fait pour Orlando et Ariodante – tourne essentiellement autour de l’amour. Il en célèbre les deux faces : celle de l’amour feu né d’un premier regard, amour coup de foudre qui embrase les corps, et celle l’amour en eaux calmes, celle des sentiments et de la constance qui ensoleillent les cœurs. Dans l’île enchantée d’Alcina la magicienne c’est la passion érotique qui naît de ses philtres. Sur la terre des mortels, c’est l’amour pur qui règne sur les corps.

Carsen a su à merveille occuper, peupler, habiller pourrait-on dire les innombrables arias da capo, petites merveilles musicales qui se répètent et auxquelles il prête vie, mouvements et, souvent, humour. Même avec des coupures – le personnage d’Oberto, l’ado qui recherche son père, a été supprimé – la partition reste étoffée et couvre près de trois heures de musique. Il est vrai qu’à l’époque de sa création, les spectateurs ne restaient pas vissés sur leurs fauteuils, ils allaient, venaient, entraient, sortaient, prendre l’air, boire un verre, échanger des impressions. Il était donc de bon ton de bisser les grands airs. Aujourd’hui il faut leur donner un corps à voir autant qu’à entendre. Carsen le fait avec une joyeuse délicatesse.

Si Myrtò Papatanasiu, soprano grecque de belle allure, ne laissera pas une trace indélébile à la Fleming, elle n’en incarne pas moins une Alcina séductrice à la voix ombrée, prête à mordre et à déguster tout ce qui se prête à son plaisir. Sandrine Piau, tout au contraire, marquera sa Morgana, comme Dessay l’avait fait autrefois, mutine, coquine, hissée sur ses longues gambettes de soubrette, le timbre aiguisé sur le fil d’aigus aériens. Olga Goryachova, laissera elle aussi les traces d’un Ruggerio chaleureux, vif, à la ronde tessiture de mezzo-soprano. Une trachéite obligea, le soir de la première, Patricia Bardon à rester vocalement en retrait de Bradamante, la fiancée qui vient déguisée en homme récupérer l’homme de sa vie. Cyril Dubois, Michal Partyka complètent la distribution sans faux pas ni fausse note.

C’est de la fosse que vient pour cette reprise la touche qu’on n’oubliera pas. Après Christie en terrain familier baroque en 1999, John Nelson et ses instruments modernes en 2004 et Jean-Christophe Spinosi en 2007, Christophe Rousset et ses Talens Lyriques font entendre un Haendel idéal tout en souplesse et en tension dramatique, léger, joueur, capable à la fois de d’affoler son pouls et de faire planer ses rêves.

Alcina de Georg Friedrich Haendel, les Talens lyriques, direction Christophe Rousset, chœur de l’Opéra National de Paris, direction Alessandro di Stefano, mise en scène Robert Carsen, décors et costumes Tobias Hoheisel, lumières Jean Kalman. Avec Myrtò Papatanasiu, Sandrine Piau, Anna Goryachova, Patricia Bardon, Cyrille Dubois, Michal Partyka .

Palais Garnier, les 25, 27, 30 janvier, 5, 7, 9, 12 février à 19h30, le 2 à 14h30

08 92 89 90 90 - +33 1 72 29 35 35 www.operadeparis.fr

photos : J.M. Lisse - Opéra National de Paris

A propos de l'auteur
Caroline Alexander
Caroline Alexander

Née dans des années de tourmente, réussit à échapper au pire, et, sur cette lancée continua à avancer en se faufilant entre les gouttes des orages. Par prudence sa famille la destinait à une carrière dans la confection pour dames. Par cabotinage, elle...

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