Paris – Théâtre du Châtelet jusqu’au 13 mai 2013

A FLOWERING TREE de John Adams

Un conte indien revisité par la musique américaine

A FLOWERING TREE de John Adams

Hasard de programmation ou volonté délibérée, le compositeur américain John Adams tient cette semaine le haut de l’affiche à Paris comme à Strasbourg. Y sont présentées pour la première fois en France, deux de ses œuvres composées à un an d’intervalle : Mister Atomic créé en 2005 à San Francisco et A Flowering Tree révélé en 2006 à Vienne.

A 67 ans, John Adams est l’un des piliers de la vie musicale américaine, l’un des plus influents du dernier demi-siècle héritier et continuateur des mouvements minimalistes et répétitifs nés dans les années 60 sous l’impulsion d’inventeurs de sonorités comme Steve Reich, Terry Riley, La Monte Young. Adams aime se plonger dans le réel, prendre des faits – et même des faits divers comme The Death of Klinghofer qui reprend la tragédie de l’Achilo Lauro où un vieil handicapé juif fut assassiné par des terroristes palestiniens. Autre plongée dans l’actualité : Nixon in China opéra qui fit le tour du monde (voir WT 3258) et qui fut présenté au Châtelet en avril 2012. Le Châtelet est d’ailleurs un fidèle d’Adams depuis El Nino, oratorio créé en 2000 dans ses murs jusqu’à I was looking at the ceiling and then I saw the sky il y a tout juste un an.

En attendant de découvrir la face réaliste et documentaire de Mister Atomic à l’Opéra National du Rhin, on peut au Châtelet se laisser porter par une toute autre source d’inspiration, les rêveries orientalisantes, un rien monocordes de A Flowering Tree, un arbre en fleurs, dont Peter Sellars a écrit le livret.

C’est un conte populaire de l‘Inde profonde, un conte initiatique comme la fable philosophique de la Flûte Enchantée à laquelle John Adams a voulu rendre hommage dans le cadre des célébrations du 250ème anniversaire de la naissance de Mozart… Mais il ne lui ressemble en rien.

Un conte de fées sans fée dont l’héroïne est Kumoudha, une jeune fille très pauvre et très belle, un peu magicienne pouvant se transformer en arbre à fleurs. Pour pouvoir nourrir sa mère malade, elle charge sa sœur de cueillir ses fleurs au cours de l’une de ses transformations puis, redevenue humaine, va les vendre au marché. Un prince l’a observée et est tombé amoureux fou de sa grâce et de ses dons étranges. Il l’épouse, leur nuit de noces se passe sur un lit de pétales. Mais la sœur du prince, méchante et jalouse va détruire leur bonheur…. Les épreuves qu’ils vont subir, séparés, errants de par le monde, feront triompher l’amour de la mort. Eros et Thanatos, éternelle course poursuite.

Ils sont trois personnages à part entière : un narrateur (Franco Pomponi baryton au timbre chaleureux, jouant au maître des cérémonies), Kumoudha (Paulina Pfeiffer, longue et gracieuse, capable d’injecter des clairs obscurs tragiques dans sa voix de soprano) et le Prince (le ténor anglais David Curry aussi souple de corps que de voix). Les amants sont doublés en écho chorégraphique par des danseurs (la très fine, très acrobatique Ella Fiskum et Sudesh Adhana au corps d’athlète qui signe également la chorégraphie et la scénographie). Des marionnettes à taille humaine sont manipulées à vue pour représenter la mère et la sœur.

Couleur locale, la mise en scène, tout comme les décors, les costumes et les ballets ont été confiés à une équipe venue d’Inde : le réalisateur, Vishal Bhardwaj, star du ciné bollywoodien, Sudesh Adhana déjà cité, Gunjan Arora, Rahul Jain, Dadi Pudumjee… On aurait pu craindre un délire kitch, mais c’est la simplicité qui prime dans des espaces aérés délimités par des jarres d’argile rousse manipulés par les chœurs et les danseurs …

La musique d’Adams, impeccablement dirigée par Jean-Yves Ossonce à la tête de l’orchestre symphonique de Tours, n’offre aucune nouveauté, reprenant les leitmotivs minimalistes et répétitifs qu’on lui connaît depuis longtemps. L’ensemble manque de nerfs et de surprise, d’autant que l’exercice est long : deux heures de musique, deux heures trente de spectacle avec l’entracte pour une féerie bien sage qui aurait pu se dérouler en continu sur une durée coupée de moitié. Une certaine somnolence finit par guetter la salle.

A Flowering Tree de John Adams, d’après un conte indien traduit en anglais, livret Peter Sellars, orchestre symphonique région centre-Tours, direction Jean-Yves Ossonce, mise en scène Vishal Bhardwaj, scénographie et chorégraphie Sudesh Adana, costumes Gunjan Arora et Rahul Jain, marionnettes Dadi Pudumjee, lumières Renaud Corier. Avec Paulina Pfeiffer, David Curry, Franco Pomponi, Ella Fiskum, Sudesh Adhana et les marionnettistes David Pudumjee, Vivek Kumar et Simon T Rann .

Théâtre du Châtelet : les 5, 7, 9 et 13 mai à 20h, le 11 mai à 16h.

01 40 28 28 40 – www.chatelet-theatre.com

A propos de l'auteur
Caroline Alexander
Caroline Alexander

Née dans des années de tourmente, réussit à échapper au pire, et, sur cette lancée continua à avancer en se faufilant entre les gouttes des orages. Par prudence sa famille la destinait à une carrière dans la confection pour dames. Par cabotinage, elle...

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