DVD
Vers toi terre promise de Jean-Claude Grumberg
Un film réalisé par Philippe Miquel
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- 8 novembre 2010
- Critiques
- Livres, CD, DVD
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Vers toi terre promise a été l’un des succès de l’année 2009 : prix de la meilleure création francophone du Syndicat de la critique, création à la Manufacture de Nancy, reprise au théâtre du Rond-Point puis à la salle Popesco du théâtre Marigny et en tournée. Un succès infiniment mérité puisque Jean-Claude Grumberg, l’un de nos plus grands auteurs, renouvelle son art de la farce déchirante, de revoir l’Histoire par l’œilleton d’une lorgnette braquée sur le sensible et le concret, de saisir les réactions les plus élémentaires et de leur donner les résonances les plus profondes. C’est, selon l’auteur, une « tragédie dentaire ». Un dentiste et sa femme juifs récupèrent, à la Libération, leur cabinet de travail. Ils ont eu deux filles. L’une a disparu à Auschwitz, l’autre vit dans un couvent : les religieuses à qui elle a été confiée pendant la guerre ne veulent pas la rendre. Ainsi vont les jours, dans l’exaspération de douleurs inguérissables. « Vers toi terre promise », dit le psaume. Ils partiront vers Israël, illusoire terre de bonheur et de cicatrisation des blessures.
Le résumé est celui d’une tragédie. Le talent très double de Grumberg fait qu’on y rit constamment. Le jeu si vif de Christine Murillo, Philippe Fretun, Clotilde Mollet et Antoine Mathieu dégage cette drôlerie noire en sachant rendre le dérisoire et le ridicule bouleversants. La mise en scène de Charles Tordjman déploie un climat de cabaret réel : les gris et noir du décor sont troués de lumière, les a-partés (nombreux) où l’auteur se moque de lui-même, les changements de rôle et les grandes scènes se succèdent comme une série de numéros. Et pourtant sans un sentiment d’artifice. Toujours dans une forme de guignol poignant où le drame devient comique et la comédie déchirante. Que peut bien apporter le film ? D’abord la restitution exacte du spectacle, avec son effet de loupe et les regards variés que donnent les gros plans et les plans d’ensemble. Ensuite la mise en valeur de l’interprétation : si, en scène, Christine Murillo et Philippe Fretun étaient admirables – la première par son don de présence immédiate et sa façon d’être d’une extrême sensibilité aux frontières d’une bouffonnerie toute humaine, le second par son art d’être toujours en crise et de traduire cette souffrance par un jeu implosif, plus cinématographique que théâtral -, leurs deux partenaires étaient peut-être moins en lumière. On voit mieux Antoine Mathieu se transformer sans cesse avec une grande agilité et Clotilde Mollet dessiner finement une série de personnages féminins. Philippe Miquel a fort bien filmé la cérémonie théâtrale et fait sentir le pouls, le rythme de chaque moment.
Enfin, en bonus, il y a un très bel entretien entre Jean-Claude Grumberg et Philippe Jousserand. Grumberg conte que la pièce lui a été inspirée par des faits réels et des gens qu’il a connus, dit qu’il aime sentir dans le public une combinaison de rires et de pleurs et, dépassant la pièce, met en parallèle les héritages culturels juif et chrétien. Certainement un des films majeurs de la collection Copat.
Vers toi terre promise de Jean-Claude Grumberg, un film réalisé par Philippe Miquel, mise en scène de Charles Tordjman, scénographie de Vincent Tordjman, costumes de Cidalia Da Costa, lumières de Christian Pinaud, musique de Vicnet, avec Philippe Fretun, Christine Murillo, Antoine Mathieu et Clotilde Mollet. DVD de 1h39, production COPAT-SOPAT.
