Une merveilleuse histoire de sexe dégueulasse de Pierre Notte

Sur l’air de comment tuer l’amour par le sexe, Pierre Notte tricote une pochade douce-amère.

Une merveilleuse histoire de sexe dégueulasse de Pierre Notte

« Je ne veux plus d’amour », clament-ils alternativement. Avec de plus en plus de force mais de moins en moins de conviction. Que font alors ces deux quinquagénaires rivés à leurs sites de rencontres et autres réseaux sociaux ? Ils cherchent le sexe et rien d’autre, le sexe dégueulasse comme antidote à l’amour. Sur ce thème bien dans le goût du jour, Pierre Notte tricote une petite comédie aigre-douce, tendre et salace. Sans jamais prononcer le mot « gay » qui n’est pas le propos. D’ailleurs la pièce avait d’abord été écrite pour un couple hétéro.

La réécriture s’est faite avec l’espièglerie qui est la marque de fabrique de Pierre Notte. Et cette élégance dans la trivialité qui lui permet de tout faire passer, même les choses les plus hard. La pièce est une pochade emballée en un peu plus d’une heure qu’il joue avec son comparse Benoît Giros, lequel signe également la mise en scène.

Sur un ring circulaire, les deux tigres se rencontrent toutes griffes dehors autour d’une table de bistro ou de cuisine et s’affrontent dans des saynètes qui alternent à un rythme soutenu. Ils sortent tous deux meurtris d’une blessure d’amour jamais guérie. Ils ont beau maquiller leur profil sur les sites spécialisés, raconter les pires mensonges, ils tombent immanquablement l’un sur l’autre, s’insultent et en restent là, se jurant de ne plus recommencer. Mais ils recommencent toujours.

Répétitives comme les dialogues qui fusent de plus en plus acerbes, ces saynètes se jouent allègrement un pied dedans, l’autre dehors, dans une mise en abyme à la Pirandello toute en légèreté où Pierre Notte se moque de lui-même. « Ce n’est pas moi qui ai écrit le texte », se défend Benoît Giros quand l’autre l’accuse de se répéter.

Mise à mort de l’amour

Dans un crescendo qui s’exaspère lui-même, cette mise à mort de l’amour les mène toujours plus loin dans l’exploration des pratiques sexuelles en vogue. Boîtes à partouze, parties carrées, caméra frontale portée par Benoit Giros pour enregistrer leurs ébats … rien n’y manque et toujours la même désillusion. Et le même constat : l’échec de la tentative de tordre le cou au romantisme. Au fil de leurs rencontres avortées, la scène devient un tas de détritus, de verres cassés où il est dangereux de s’aventurer. Ce qui ne les empêche nullement de (re)tenter le coup.

Mais comme toujours chez Pierre Notte, la musique adoucit l’aigreur. En l’occurrence une jolie mélodie de son cru sur un air de piano enregistré, avec pour refrain « Toujours les mots d’amour qui manquent… » qu’il chante de sa voix cassée, façon Barbara. Exsangues au terme de leurs vaines tentatives, les deux compères doivent se rendre à l’évidence : il y a bien quelque chose dans l’autre qui les aimante et les repousse. Si ce n’est pas de l’amour…

Une merveilleuse histoire de sexe dégueulasse, au Théâtre de la Reine Blanche jusqu’au 22 décembre, https://www.reineblanche.com/.
Texte : Pierre Notte, Mise en scène : Benoit Giros. Avec Benoit Giros et Pierre Notte. Costumes : Sarah Leterrier. Lumières : Natacha Raber. Musiques : Pierre Notte.
Photo : Éric Schoenzetter

A propos de l'auteur
Noël Tinazzi
Noël Tinazzi

Après des études classiques de lettres (hypokhâgne et khâgne, licence) en ma bonne ville natale de Nancy, j’ai bifurqué vers le journalisme. Non sans avoir pris goût au spectacle vivant au Festival du théâtre universitaire, aux grandes heures de sa...

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