Paris, Centre Pompidou jusqu’au 27 septembre puis en tournée

Un mage en été de Olivier Cadiot

Voyage immobile

Un mage en été de Olivier Cadiot

Après Avignon (voir article Derniers regards de Gilles Costaz), voici le Mage à Paris pour seulement une poignée de représentations. L’équipe du Colonel des zouaves récidive et transforme l’essai : Olivier Cadiot a commis le texte, Ludovic Lagarde la mise en scène et Laurent Poitrenaux mène cette incroyable aventure sur scène. Un athlète poétique qui développe des espaces infinis dans une quasi totale immobilité, sans décoller, ou presque de la surface occupée par ses pieds plantés sur le sol. Camper au milieu du plateau, présence blanche dans l’espace noir, Poitrenaux conduit le texte de sa baguette magique de chef d’orchestre, le corps concentré en un point unique semble se déployer tout entier dans le seul geste d’un bras qui se lève, un mouvement tout en élasticité qui imprime un rythme, lui en substitue un autre dans une série de short cuts dont les raccords restent invisibles. Déjà dans le Colonel des zouaves, son personnage courait sur place, comme on fait son jogging en pensant à autre chose, et le rythme de sa course donnait le tempo du texte.

La configuration du Mage est similaire, avec un traitement du son particulièrement raffiné (ici avec la participation de l’Ircam) qui déforme la voix, la fait voyager dans la salle ; elle nous enveloppe ou nous tourne autour, change de grain, de timbre, se métamorphose au fil du texte. Les textes de Cadiot s’apparentent à de la poésie sonore et sont en même temps terriblement physiques ; difficiles à lire comme peuvent l’être ceux Novarina, ses textes s’avèrent sur scène formidablement imagés, souvent drôles et inattendus. Le voyage commence sur une image, celle d’une femme au milieu d’une rivière, de l’eau jusqu’à la taille, les bras croisés sur la poitrine, la moitié du corps au soleil, l’autre au frais…D’observateur extérieur, le narrateur entre dans la scène, devient poisson (et pourquoi pas ?), choisit les couleurs de ses nageoires, éprouve les courants, comme si on y était. Le spectacle est à l’image de ce petit poisson : fluidité de la course, accélérations impromptues, décélérations, ralentis sur son aire, on se laisse porter par le courant. Le narrateur est un mage qui peut se glisser dans mille peaux différentes ou de donner la vie, il est même capable de téléportation à volonté, autant dire un poète. Il suffit de composer un numéro de téléphone pour ranimer un dîner d’enfance ; une respiration plus tard le voici tout naturellement quark (constituant élémentaire de la matière) ou atomes.

Bricoleur du verbe génial, ce n’est pas un hasard si Cadiot a choisi Robinson comme alter ego. Pas besoin d’un île pour être Robinson, dit-il. Le mage Robinson, assisté de ses talentueux acolytes, transforme le plomb de la trivialité des mots en or poétique et nous fait rêver en apesanteur dans l’espace mental de la scène.

Un Mage en été de Olivier Cadiot, mise en scène Ludovic Lagarde, avec Laurent Poitrenaux. scénographie Antoine Vasseur ; lumière Sébastien Michaud ; costumes Fanny Brouste ; réalisation informatique musicale Ircam/Grégory Beller, vidéo Jonathan Michel, dramaturgie Marion Stoufflet. Au centre Pompidou jusqu’au 27 septembre à 20h30 (puis en tournée). Durée : 1h30.

Le texte est publié aux éditions P.O.L.

Calendrier de tournée 2011 sur le site www.theatrecontemporain.com

Crédits photograhiques : Christophe Raynaud de Lage

A propos de l'auteur
Corinne Denailles
Corinne Denailles

Professeur de lettres ; a travaille dans le secteur de l’édition pédagogique dans le cadre de l’Education nationale. A collaboré comme critique théâtrale à divers journaux (Politis, Passage, Journal du théâtre, Zurban) et revue (Du théâtre,...

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