Paris-Théâtre du Rond-point jusqu’au 28 février 2009

Un garçon impossible de Petter S. Rosenlud

Jeu de massacre

Un garçon impossible de Petter S. Rosenlud

Le Norvégien Rosenlud n’y va pas avec le dos de la cuiller quand il s’en prend à la famille coupable de tous les maux. Stanislas Nordey et Frédéric Bélier-Garcia s’étaient déjà intéressés à cette pièce crue et drôlatique dont on ne comprend pas toujours l’intention. La mise en scène de Jean-Michel Ribes cherche un peu le point de vue introuvable qui aurait rendu le spectacle plus percutant et ouvert les multiples pistes d’interprétation suggérées par le texte. Tout se passe dans un hôpital crasseux et déglingué où une mère (Hélène Viaux) conduit son fils de 8 ans (Micha Lescot) pour des problèmes d’audition qui s’avèreront extrêmement subjectifs. Il n’est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre et le petit semble avoir quelques bonnes raisons de refuser d’entendre son grand-père (Jean-Yves Chatelais), personnage louche et pervers. Les enfants ont des antennes, c’est connu. Le médecin (Eric Berger), dont le principal trait de caractère est la lâcheté, trompe sa femme qu’il ne veut pas quitter avec l’infirmière blonde qui ne rêve que de contes de fée (Isabelle Carré). Tout ce petit monde nage dans la médiocrité sans se préoccuper de l’enfant, à l’âge finalement improbable, qui, sous des airs indolents et rêveurs, écoute tout ce qu’il dit ne pas entendre. Micha Lescot a l’art d’occuper l’espace en donnant l’impression de ne rien faire, et pourtant quelle présence ! Quand au milieu de l’agitation générale, il traverse la scène dans un gracieux glissando sur les roulettes fixées sous ses chaussures, son silence, sa solitude, sa dégaine d’adolescent fatigué, sa nonchalance, tout en lui se charge d’une fugitive menace. Et on se prend à douter de l’innocence de l’enfance. C’est que dans un tel climat délétère, soit celui-ci est broyé soit il se rebiffe. La victime immolée sur l’autel de la sottise, tel l’ange exterminateur, règlera leur compte à tous ces minables, en toute équité, et peut-être mourra-t-il lui-même de ne pas avoir été aimé. Dans un jeu de massacre burlesque, l’auteur dénonce la morale hypocrite des parents, l’irresponsabilité des adultes qui prétendent élever leurs enfants alors qu’ils leur infligent le spectacle désolant de leurs turpitudes et en font des monstres. Mais on peut aussi faire une lecture psychanalytique de cette farce grand Guignol dans laquelle sont révélés refoulements, frustrations en tous genres. Par la faute de parents coupables d’incurie, l’enfant perd son innocence (au sens de l’ignorance du bien et du mal) pour se rendre coupable de meurtres (symboliques ?) dont il est en fait innocent. Mais ce n’est qu’une hypothèse !

Un garçon impossible de Petter S. Rosenlud, mise en scène Jean-Michel Ribes avec Eric Berger, Isabelle Carré, Jean-Yves Chatelais, Micha Lescot , Hélène Viaux. Au théâtre du Rond-point jusqu’au 28 février 2009. Du mardi au samedi à 21h, dimanche 15h. Tél : 01 44 95 98 22. Durée : 1h20

Texte publié aux Solitaires intempestifs

crédits photo : Brigitte Enguérand

A propos de l'auteur
Corinne Denailles
Corinne Denailles

Professeur de lettres ; a travaille dans le secteur de l’édition pédagogique dans le cadre de l’Education nationale. A collaboré comme critique théâtrale à divers journaux (Politis, Passage, Journal du théâtre, Zurban) et revue (Du théâtre,...

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