Turin : le festival Teatro a corte du 7 au 25 juillet

Un autre regard européen

Turin : le festival Teatro a corte du 7 au 25 juillet

A force de ne voir le théâtre que de Paris, d’Avignon et de quelques places fortes berlinoises, l’intelligentsia française se contente avec gloriole d’une vision partielle du théâtre européen. Aller ailleurs, par exemple au festival d’Almada au Portugal ou « fringe » d’Edimbourg, permet de corriger une vision bien souvent arc-boutée sur le renom d’artistes qui s’adoubent entre eux.

Le festival Teatro a corte, qui s’est tenu à Turin du 7 au 25 juillet, fait aussi parti de ces moments passionnants où l’on juge le théâtre vivant avec d’autres repères et à une autre échelle. Son directeur, Bppe Navello, tisse habilement plusieurs fils : il donne une place normale mais non centrale à la création italienne, favorise la coopération franco-italienne et s’ouvre à certains pays européens, tout en mettant sur le même plan théâtre, danse et cirque – et en utilisant les demeures et palais de Turin et du Piémont.

D’ailleurs, conformément aux mouvements qui se secouent l’art d’aujourd’hui, on ne sait plus parfois dans quelle discipline on se trouve. Les artistes emploient plusieurs langages à la fois et, quand le programme indique « danse », on peut se trouver face à quelque chose qui relève plus du cabaret ou du show circassien.

Nous n’avons pu assister à la plupart des spectacles venus de France ou réalisés par des équipes des deux pays : les pièces d’Aurélia Thierrée et Victoria Thierrée-Chaplin, du cirque Ieto, du théâtre équestre du Centaure, du Collectif Petit Travers, de la compagnie de Catherine Marnas et, enfin, de Myriam Tanant faisant plonger une grande comédienne, Giulia Lazzarini dans les souvenirs d’actrice. Nous avons seulement vu le travail in situ (c’est l’une des lignes de force du festival : faire travailler une équipe sur place, en accord avec le lieu) de la chorégraphe Kitsou Dubois, Apparition / Incarnation, qui, au château Rivoli, dessine d’étonnants mouvements inspirés d’expériences en apesanteur.

Si l’on a pu apprécier les athlètes burlesques franco-portugais Joao Paulo Santos et Guillaume Amado (O Ultimo Momento) et rester dubitatif devant le ballet purement fessier (les danseuses, quasi nues, ne se présentant que de dos) de l’Autrichienne Editta Braun, c’est le volet russe qui a été le plus impressionnant lors de la dernière semaine. Continuous Curve de Pavel Semchenko et Maxim Didenko, Upside Down du Do Theatre et Gobo, Digital Glossary sont des spectacles perturbés et perturbants où s’entremêlent des exploits physiques et des effets technologiques pour mieux s’en moquer et exprimer une vision dérisoire de la vie et de la société. C’est d’une pessimisme désespérant mais d’une forme originale tout à fait réjouissante. Gobo, surtout, met à mal le culte du héros avec une férocité ravageuse qui renoue avec l’esprit dadaïste.

On aimerait voir en France cette école russe que nous méconnaissons et dont les savantes provocations sont bien supérieures à tant de spectacles tapageurs. Le festival Teatro a corte de Beppe Navello, que subventionne la Fondazione Teatro Piemonte Europea, fait preuve d’un flair et d’une indépendance artistique dont nos directeurs de théâtres et de festivals pourraient s’inspirer pour, enfin, ne plus tourner en rond.

A propos de l'auteur
Gilles Costaz
Gilles Costaz

Journaliste et auteur de théâtre, longtemps président du Syndicat de la critique, il a collaboré à de nombreux journaux, des « Echos » à « Paris-Match ». Il participe à l’émission de Jérôme Garcin « Le Masque et la Plume » sur France-Inter depuis un quart...

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