Sulki et Sulku ont des conversations intelligentes de Jean-Michel Ribes
L’absurde a la bougeotte
Sulki et Sulku sont-ils des oeuvres d’art échappées d’un musée ou des amateurs d’art qui se prennent pour des chefs-d’œuvre ? Tout est possible avec Jean-Michel Ribes qui a emprunté deux figures à l’une de ses pièces, Musée haut musée bas, et les place face à face, remettant en marche sa moquerie de la peinture et du monde qui hante galeries et musées. Ici, on se paie la tête de tout, du Pape qui vient faire ses courses dans le supermarché où Sulki (ou Sulku) fait ses courses, ou bien du football qui serait un sport plus intéressant s’il se jouait sans ballon. « Crois-moi, se sentir idiot, c’est une belle découverte », finira par dire l’un d’eux et ainsi Ribes aura-t-il réhabilité l’idiotie dans l’un de ses dialogues qu’il faut comprendre, lire et jouer la tête à l’envers.
On avait toujours cru que Sulki et Sulku étaient de sexe masculin. Dans la nouvelle mise en scène que propose Alexandre Tchobanoff, ce sont des femmes, ou bien des travesties. En tout cas, les deux personnages sont interprétés par des comédiennes, l’une coiffée d’une perruque jaune électrique (Prisca Lona), l’autre arborant un ébouriffement de cheveux bleus (Johanne Ricard). Elles ont la bougeotte et sont même un peu acrobates, capables de faire des pirouettes entre deux répliques. Tchobanoff, qui s’est formé dans les théâtres des pays de l’Est (il est d’origine bulgare), aime l’implication physique : Sulki et Sulku se déplacent sans cesse, montent sur les chaises, zigzaguent à vélo. Tchobanoff aime aussi détourner des symboles de l’ère soviétique et utiliser au deuxième degré des musiques tonitruantes (Wagner). Le décor – une salle de musée avec une vingtaine de tableaux – peut aussi réserver des surprises, car il ne reste pas figé lui non plus. Le metteur en scène intervient lui-même en gardien de musée, traçant au sol des frontières imaginaires et portant des ballons en forme de mappemonde. Prisca Lona et Johanne Ricard donnent aux controverses bouffonnes du texte la tournure de conflits harmonieux et malins. Elles sont plus complices que rivales. Prisca Lona impose une drôlerie faite de mordant et de gouaille. Johanne Ricard a une personnalité plus rêveuse et teinte d’étonnement les réactions de Sulku face à l’absurdité. Avec ces délicates diablesses et cette mise en scène au mouvement brownien qui accélère le rythme de la soirée, la drôlerie dingue de Ribes renaît sous un nouveau souffle.
Sulki et Sulku ont des conversations intelligentes de Jean-Michel Ribes, mise en scène d’Alexandre Tchobanoff, avec Prisca Lona et Johanne Ricard.
Studio Hébertot, 21 h, du mercredi au samedi, 15 h le dimanche, tél. : 01 42 93 13 04. (Durée : 1 h 10).
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