Politiquement correct de Salomé Lelouch

La première pièce politique de la rentrée

Politiquement correct de Salomé Lelouch

Autrefois, il y avait le clivage bon enfant entre le catholique Don Camillo et le communiste Peppone. Le monde a changé, et les divergences politiques ont, dans la sphère privée, des incidences plus sournoises. Salomé Lelouch met le doigt dans la plaie, avec un beau courage. Elle imagine qu’une électrice de gauche tombe amoureuse d’un militant du Front national. L’action se passe entre les deux dates charnières de la prochaine élection présidentielle. Entre la jeune fille et le jeune homme c’est l’une de ces rencontres de hasard qui peuvent mener loin. Comme il se plaisent sans passer par différents paliers, jusqu’à aller rapidement dans un lit, ils prennent, presque pour rire, le parti pris de ne pas parler politique. Plutôt s’aimer que palabrer. Mais l’intervalle qui sépare les deux tours est de quinze jours : c’est suffisamment de temps pour que les masques tombent et que la présence d’amis qui ne font pas mystère de leurs opinions mette à la lumière les options de chacun. La jeune électrice de gauche frémit, s’affole peu à peu. L’amour n’est plus possible quand les désaccords et surtout le parti pris de la haine sont au cœur de la relation. Que serait un monde dirigé par des gens qui trouvent bien des qualités à leurs précurseurs nazis ?
Salomé Lelouch ne joue pas la carte de la neutralité. Elle donne la même épaisseur, la même vérité humaine à ses deux personnages principaux, mais, en avançant, la pièce dénonce de plus en plus clairement les pièges de l’extrême-droite. D’ailleurs, il y a parfois des réactions partisanes dans la salle. Tant mieux ! Un décor ingénieux exploite les différentes configurations d’un bistrot : intimité de la table isolée, rencontres au zinc, zones agitées… Rachel Arditi joue la femme de gauche dans un perpétuel sentiment d’éveil et de découverte, très exact. Thibault de Montalembert donne tout son poids au personnage de frontiste, qu’il compose comme un être revenu de tout, abattant ses dernières cartes politique et amoureuse. Ludivine de Chastenet est l’amie de la jeune femme avec un naturel de tous les instants. Arnaud Pfieffer et Bertrand Combe jonglent bien avec les doses de comédie qu’on peut injecter dans un tel sujet. Mais le spectacle ne convainc qu’à moitié : Salomé Lelouch envoie des flèches bien acérées mais ne trouve pas toujours l’équilibre entre la parole quotidienne et le débat politique. C’est un dialogue intelligent plus qu’une vraie pièce.

Politiquement correct de et mis en scène par Salomé Lelouch, décor de Natacha Markof, lumières de Denis Koransky, création sonore et collaboration artistique de Pierre-Antoine Durand, vidéo d’Olivier Roset, avec Rachel Arditi, Thibault de Montalembert, Ludivine de Chastenet, Bertrand Combe, Arnaud Pfeiffer.

La Pépinière Théâtre, tél. : 01 42 61 44 16. (Durée : 1h25).

Photo Ch. Vootz.

A propos de l'auteur
Gilles Costaz
Gilles Costaz

Journaliste et auteur de théâtre, longtemps président du Syndicat de la critique, il a collaboré à de nombreux journaux, des « Echos » à « Paris-Match ». Il participe à l’émission de Jérôme Garcin « Le Masque et la Plume » sur France-Inter...

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