Motet rime avec intimité
Le Chœur de Radio France aborde avec chaleur un programme de musique sacrée de la fin du XIXe siècle.
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- 21 juin 2023
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À LA BASCULE DU XIXe et du XXe SIÈCLE, dans la foulée de la construction de nombreuses églises catholiques et de la redécouverte, via l’École Niedermeyer, de l’ancienne tradition du plain-chant, la musique religieuse connut en France un nouvel essor, que renforça peut-être aussi la querelle de la séparation des Églises et de l’État. C’est à partir de ces quelques idées qu’a été imaginé le concert donné par le Chœur de Radio France à l’Auditorium de la Maison de la radio, dans le cadre du festival organisé par le Centre de musique romantique française (plus connus sous l’appellation Palazzetto Bru Zane, du nom du palais vénitien qui en est le siège).
Un grand nombre de pièces brèves, motets et extraits de messes, composait le programme de cette soirée. Pièces chantées en latin, à l’exception du magnifique Cantique de Jean Racine de Mel Bonis (1858-1937), qui n’a rien à voir avec celui de Fauré et frappe par son ampleur, on aurait presque envie d’écrire : par sa véhémence. Aux côtés des célèbres Saint-Saëns, Delibes et autre Fauré, ce concert était aussi l’occasion de mieux connaître des musiciens tels qu’Alexandre Guilmant, Théodore Dubois et surtout Fernand de La Tombelle (1854-1928), auteur d’un Gloria très développé, d’une splendeur sonore saisissante malgré quelques départs de fugue vite emportés par l’architecture pleine de vigueur de cette page. Clémence de Grandval, Henriette Renié, Germaine Labole et quelques autres faisaient également figures de personnalités à découvrir.
Parfums d’encens
Le Benedicat vobis de Duparc, l’Ave Maria de Léon Boëllmann, le Kyrie d’une messe de Charlotte Sohy, le Gloria d’une autre messe, signée cette fois Cécile Chaminade, balisaient ce vaste programme entrecoupé de pages instrumentales pour harpe (jouée par Anaïs Gaudemard), violon (Manon Galy), violoncelle (Victor Julien-Laferrière) et contrebasse (Yann Dubost), l’organiste Lucile Dollat, en résidence à Radio France, se chargeant d’accompagner la plupart des pièces. On ne se lasse pas d’entendre la Méditation sur le premier prélude de Bach de Gounod (familièrement appelée « Ave Maria »), dont les parfums d’encens sont tout à fait bienvenus dans un pareil contexte !
Le Chœur de Radio France en grand effectif, sous la direction exigeante et généreuse de Christophe Grapperon, est à son affaire dans ce type de répertoire. Murmurant quand il le faut, ardent ou plein de confiance, il fait preuve de la souplesse qui convient : on ne pleut que l’applaudir car il ne va pas a priori de soi, pour une vaste formation de soixante voix, d’atteindre à la ductilité d’un ensemble vocal plus modeste, ni d’arriver à installer un pareil climat d’intimité. Le chœur occupe ainsi toute la scène de l’Auditorium, toujours aussi bien sonnant, en compagnie des instrumentistes qu’on a cités, et de quatre solistes chargés, parfois seuls, parfois à deux, trois ou quatre, de dialoguer avec la masse chorale : Judith van Wanroij, Isabelle Druet, Cyril Dubois et Thomas Dollé.
Au sortir d’un pareil concert, on ne peut s’empêcher de se rappeler la réflexion de feu le compositeur Claude Ballif : la musique sacrée n’existe pas, toute belle musique est sacrée.
Illustration : l’ensemble des interprètes au cours d’une répétition (photo Christophe Abramowitz/Radio France)
Œuvres de Saint-Saëns, Grandval, Guilmant, Renié, Th. Dubois, Bonis, Caplet, Duparc, La Tombelle, Labole, Boëllmann, Sohy, Delibes, Fauré, Chaminade, Gounod. Judith van Wanroij, soprano ; Isabelle Druet, mezzo-soprano ; Cyril Dubois, ténor ; Thomas Dollé, baryton. Anaïs Gaudemard (harpe), Manon Galy (violon), Victor Julien-Laferrière (violoncelle), Yann Dubost (contrebasse), Lucile Dollat (orgue). Chœur de Radio France, dir. Christophe Grapperon. Auditorium de Radio France, 19 juin 2023.
