Liège - Opéra Royal de Wallonie

Mefistofele de Arrigo Boito

Le bel adieu de Jean-Louis Grinda à l’Opéra de Liège

Mefistofele de Arrigo Boito

Un opéra rare, une réalisation raffinée : quinze minutes d’ovation debout au baisser de rideau du Mefistofele d’Arrigo Boito ont salué cette production qui clôt l’ère Grinda à l’Opéra Royal de Wallonie à Liège. Le monégasque Jean-Louis Grinda reprend le chemin de son sud natal après avoir œuvré onze ans durant à la tête de la grande maison d’opéra de l’espace francophone de Belgique.

Homme de terrain, metteur en scène, grand amateur de comédies musicales américaines – il a adapté et mis en scène Singing in the Rain, Titanic, Sugar – il a également relevé le défi de réaliser une Tétralogie de Wagner qui fut un immense succès. Pour dire au revoir à un public qui manifestement l’a adopté, il a fait le choix d’une sorte de curiosité du répertoire lyrique du 19ème siècle, un Faust revisité par un poète-compositeur de 24 ans, Arrigo Boito, celui-là même qui allait à l’âge mûr signer les livrets des ultimes chefs d’œuvre de Verdi, Othello et Falstaff.

Satan mène la ronde

A l’âge où l’on piaffe d’impatience, où l’on aime jongler avec les contradictions, Boito préféra donner à la saga du chef d’œuvre universel de Goethe l’angle du malin. C’est Satan qui mènera la ronde. L’opéra s’appellera Mefistofele. Et, pour ne pas mettre ses pas dans ceux de Gounod ou de Berlioz, ses prédécesseurs qui avaient limité leurs transpositions à la première partie du drame, Boito en récupéra la version complète avec au final l’échappée dans l’antiquité de Troie et de sa belle Hélène. Musicalement, il hésita moins à se glisser dans les empreintes de ses aînés français tout en gardant l’oreille rivée sur le grand maître allemand, ce Wagner qui rêvait de théâtre total. Une première version présentée à la Scala de Milan fut jugée indigeste tant par sa longueur que par sa complexité. Sept ans plus tard, Boito fait mûrir le fruit de son ambition par une version raccourcie, élaguée et clarifiée qui remporte alors un joli succès au Communale de Bologne.

Des armées de choeurs de toutes espèces

Une œuvre plutôt atypique était née qui resta discrète quant au nombre de ses réalisations, car, : avec ses armées de chœurs de toutes espèces divines, malignes, guerrières, carnavalesques, ses nombreux décors, ses centaines de costumes, elle fut rapidement mise au rang des folies immontables. D’où une relative absence sur les grandes scènes lyriques. Bruxelles, en 1883 et 1910 en eut la primeur avant Paris qui attendit 1912 puis 1919 et qui ne le remonta d’ailleurs plus. La dernière production de la Scala date de 1995, on pouvait le découvrir en 2004 à Amsterdam, enfin ces jours-ci à Liège où sa réalisation à la fois ludique et onirique remporta un triomphe mérité.

Jean-Louis Grinda n’est pas l’homme qui tourne autour du pot. Quand il raconte une histoire il va droit au but. Ce qui, dans cette suite de tableaux galopant du ciel aux enfers, avec ses personnages multiples et ses mouvements de foule, constitue la solution la plus efficace et la plus juste. Projections de courses de nuages sur grand écran épousant les rafales et tempêtes de la musique, chœur d’anges aux allures de Pierrots célestes qui semblent suspendus dans le vide, carnaval de grotesques, danse de feux follets, nuit de sabbat…

480 costumes rutilants d’invention

Les décors de Rudy Sabounghi ont de la saveur et de l’humour tout comme les 480 costumes de Buki Shiff, rutilants d’invention et souvent de drôlerie. Les principaux personnages n’ayant pas chez Boito la dimension philosophique des héros de Goethe, inutile de leur chercher une trop grande profondeur psychologique. Ils sont pour ainsi dire bruts de décoffrage et c’est ainsi que les interprètent le ténor Antonello Palombi, Faust un rien pataud, l’air de ne pas trop savoir ce qui lui arrive et la basse géorgienne Paata Burchuladze qui campe un Méphisto tout droit sorti d’un roman photo. L’exception, tant dans l’écriture musicale que dans l’interprétation vient de Marguerite. Son air de la folie est de toute beauté et Barbara Haveman, présence hallucinée et timbre entre ombre et lumière le rend tout simplement poignant.

Le jeune chef Patrick Davin, souvent entendu à l’opéra de Marseille dont il est premier chef invité insuffle démesure et lyrisme aux instrumentistes de l’Orchestre de l’Opéra Royal de Wallonie. Chœurs et maîtrise maison augmentés pour l’occasion d’une centaine de voix se sont taillés une belle part de la réussite et du succès.

Ainsi s’achèvent donc ces belles « Années Grinda » dont deux journalistes belges, Serge Martin et Nicolas Blanmont, viennent de retracer l’itinéraire en textes, témoignages et photos dans un très bel album mémoire. On y pénètre dans les coulisses, on y retrouve les principales créations maison, celles signées par son hôte, celles qu’il a programmées. Les photos sont superbes, les textes clairs et concis. Un bel outil à mettre dans les mains de tout mélomane fou d’opéra qu’il soit de Lège ou du monde. (éditions Versant Sud – 25 €).

Mefistofele de Arrigo Boito, orchestre, chœurs et maîtrise de l’Opéra Royal de Wallonie, direction Patrick Davin, mise en scène Jean-Louis Grinda, décors Rudy Sabounghi, costumes Buki Shiff, lumières Laurent Castaingt. Avec Paata Burchuladze, Antonello Palombi, Barbara Haveman, Tiziana Carraro, Christine Solhosse, Guy Gabelle et Jean-Baptiste Grinda.
Liège – Opéra Royal de Wallonie , les 15, 17, 19, 21, 23 juin 2007.

Crédit photos : Jacky Croisier

A propos de l'auteur
Caroline Alexander
Caroline Alexander

Née dans des années de tourmente, réussit à échapper au pire, et, sur cette lancée continua à avancer en se faufilant entre les gouttes des orages. Par prudence sa famille la destinait à une carrière dans la confection pour dames. Par cabotinage, elle...

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1 Message

  • Mefistofele de Arrigo Boito 2 mars 2011 23:59, par baron

    pourquoi ce Mefisto n’as t il as ete enregistré syr DVD ????
    je suis alle voire celui de Montpelleir tres beau lui aussi mais pareil pas televisé ni mis sur un dvd . Domage pour tous lmes meloùanes . Moi je sui pret a aller le voire partout ou il se joueras . François Baron

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