Macbeth de William Shakespeare
Tyrans d’hier, tyrans d’aujourd’hui
Stéphane Braunschweig est le champion des lectures théâtrales psychanalytiques, un angle très réussi dans sa mise en scène de Tartuffe (20028). La folie du couple Macbeth ne pouvait échapper à cette interprétation, dans l’ensemble plutôt crédible. Est-ce l’oracle proféré par les trois sorcières qui disait qu’il serait roi (mais qu’il n’aurait pas de descendance) qui l’aura fait basculer dans la folie meurtrière pour accéder au trône ? Macbeth et sa Lady pourraient bien n’être que les pantins manipulés par les sorcières qui se joueraient d’eux comme les dieux des humains, à moins que celles-ci ne représentent un catalyseur, un incubateur inconscient qui donne naissance à la figure du tyran animé par une folie de pouvoir dont ces sorcières seraient enceintes. Les deux scènes où elles apparaissent sont très réussies, interprétées avec jubilation par Virginie Colemyn, Boutaïna El Fekkak et Alison Valence. Scène qui puise dans le comique avec bien plus d’élégance que les divagations potaches sur le brexit censées évoquées les bouffonneries shakespeariennes.
L’avant-scène tapissée de carrelage blanc évoque à la fois un hôpital psychiatrique et une cuisine où pendent des couteaux de boucherie ; à l’arrière-plan, une salle à manger d’apparat. Macbeth tue le roi d’Ecosse mais il n’avait pas prévu le témoin gênant qui l’entraîne dans une terrible boucherie avec le soutien et la participation de Lady Macbeth qui ici est à sa juste place. Chloé Réjon et Adama Diop ne sont pas toujours convaincants, mais plus présents que le reste des comédiens qui semblent un peu perdus dans leurs costumes de gouvernants modernes, à la recherche de leur personnage. Cependant, l’interprétation d’Adama Diop évite justement l’hystérie et ouvre sur une représentation très contemporaine de la tyrannie à l’état brut, dans un bel équilibre avec le versant halluciné du personnage. L’intelligence du point de vue est incontestable mais édulcore la violence, le « bruit et la fureur » d’un texte qui s’achève sur le sentiment tragique et absurde de la vie dans une sorte de brutale prise de conscience de Macbeth.
Macbeth de William Shakespeare, traduction Daniel Loayza et Stéphane Braunschweig ; mise en scène et scénographie, Stéphane Braunschweig ; costumes Thibault Vancraenenbroeck ; lumière Marion Hewlett ; son Xavier Jacquot. Avec Christophe Brault, David Clavel, Virginie Colemyn, Adama Diop, Boutaïna El Fekkak, Roman Jean-Elie, Glenn Marausse, Thierry Paret, Chloé Réjon, Jordan Rezgui, Alison Valence, Jean-Philippe Vidal. A l’Odéon-Théâtre de l’Europe jusqu’au 10 mars 2018 à 20h. Durée : 2h45. Résa : 01 44 85 40 40
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© Thierry Despagne