Barcelone - Gran Teatre del Liceu - jusqu’au 30 mai 2008

Le journal d’un disparu de Leos Janacek et Le chateau de Barbe Bleue de Bela Bartok

Les meilleurs doivent toujours le meilleur d’eux même

Le journal d'un disparu de Leos Janacek et Le chateau de Barbe Bleue de Bela Bartok

La Fura dels Baus –Alex Oller et Carles Padrissa- ont eu la main heureuse avec la mise en scène du Château de Barbe bleue de Béla Bartok et du Journal d’un disparu de Leos Janacek, deux spectacles créés à l’Opéra National de Paris début 2007 (voir webthea du du 6 février 2007), se rachetant ainsi devant le public parisien du fiasco de leur Zauberflöte présentée sous des huées à Bastille en 2005.

Cette coproduction avec le Gran Teatre del Liceu vient d’arriver à Barcelone. Pour le Bartok, les vidéos des promenades oniriques dans les escaliers et les salons du théâtre tant aimés des barcelonais ont comblé de joie le public catalan, pas très enthousiasmé par ailleurs par la musique de Béla Bártok. La scénographie de Jaume Plensa, réalisée avec pléthore de moyens et un grand soin formel, a elle aussi contribué à donner à la mise en scène l’aura mystérieuse qui entoure l’histoire de Charles Perrault.

Il est impossible cependant de ne pas remarquer dans cette production l’attitude étrangement conformiste de la Fura, un label reconnu dans le monde entier, forgé avec talent à partir de l’excès, du décalage et de la provocation. Présenter Le Château sous les traits en noir et blanc, d’un théâtre d’opéra fantasmagorique, c’est une idée certes possible, mais aussi esthétisante qui, mettant en avant l’enfermement feutré du châtelain dans sa demeure, passe sous silence le caractère violent et sordide du conte.

Comparaison n’est pas raison, mais force est de reconnaître que leur mise en scène a tout à envier à celle de Patrice Caurier et Moshe Leiser, -Angers, 2007- qui, sans avoir connu l’honneur des grandes capitales, l’égale au moins en rigueur et la surpasse de beaucoup en créativité : avec une dramaturgie issue du travail en profondeur des textes de Béla Balázs, c’est dans la chambre sordide d’un hôtel de fortune, qu’un « serial killer » fait d’une femme à la dérive sa nouvelle victime, avant de poursuivre, tranquille, son chemin à la recherche de futures proies.

Les meilleurs doivent toujours le meilleur d’eux-mêmes à la communauté –les toreros et les chanteurs d’opéra savent cela très bien- et donc on attendait mieux de la Fura qu’une mise en scène élégante et efficace, mais, somme toute, banale. Curieusement, et pour des raisons tout à fait inverses –trop ou pas assez de respect de l’œuvre écrite-on ressent ici la même déception, mais sans la même indignation, que l’on avait ressentie pour la production de Zauberflöte en 2005.

En revanche, pour le Journal d’un disparu de Janacek, malgré les difficultés réelles pour tracer une continuité dramatique à partir des textes décousus de Ozef Kalda , le travail de la Fura illustrant la renaissance d’un homme grâce à la présence de la gitane Zefka, a été bien plus en ligne de leur style et a surpris agréablement.

L’orchestre du Liceu, sous la baguette de Josep Pons a rendu leur dû à Leoš Janaček et à Béla Bartók ces deux grands de la musique du XXème siècle. Âpre et violent, même sous des apparences suaves et poétiques, il a traduit à la perfection le désespoir noté par le « disparu » dans son journal. Exigeant, inquisitorial, fort, du côté de la femme, et bien plus nuancé, fin, voire doux du côté de Barbe bleue, il a été le support parfait de cette funeste partie de cache-cache où les rôles étaient finalement inversés. Les chanteurs ont contribué au succès de la soirée de façon quelque peu irrégulière. Le public a particulièrement apprécié les qualités de force et de justesse de Michael König dans l’impossible rôle du « disparu », ainsi qu’à la gitane incarnée par la sculpturale Marisa Martins. Willard White –Barbe bleue- a assumé son rôle avec panache, bien en communion avec les options de la Fura, mais il a été mal appuyé par Katarina Dalayman, à la voix hésitante et au volume trop faible dans le registre grave.

Le journal d’un disparu . Cycle de chansons sur des poèmes d’Ozef Kalda. Version orchestrée par Gustav Kuhn. Chanteurs : Michael König, Marisa Martins, Assumpta mateu, Beatriz Jiménez, Anna Alàs.
Le Château de Barbe bleue . Opéra en un acte, livret de Béla Balázs sur un conte de Charles Perrault. Chanteurs : Willard White, Katarina Dalayman, Pere Molina (voix enregistrée).
Production Gran Teatre del Liceu et la ONP. Conception et mise en scène de la Fura dels Baus. Scénographie et costumes de Jaume Plensa. Direction musicale de Josep Pons. Chanteurs : Thomas Moser, Scott Hendricks, Carlos Mena, Leigh Melrose, Uli Kirch et autres. Gran Teatre del Liceu les 13, 16, 20, 25, 27, 30 may 2008.

A propos de l'auteur
Jaime Estapà i Argemí
Jaime Estapà i Argemí

Je suis venu en France en 1966 diplômé de l’Ecole d’Ingénieurs Industriels de Barcelone pour travailler à la recherche opérationnelle au CERA (Centre d’études et recherches en automatismes) à Villacoublay puis chez Thomson Automatismes à Chatou. En même...

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