Paris - Comédie Française, en alternance jusqu’au 21 février 2010

L’avare de Molière

A consommer sans économie

L'avare de Molière

Il sautille, il bondit, virevolte, danse et tape sur tout ce qui lui fait obstacle : jambes filiformes serrées dans un justaucorps noir, tête d’oiseau coiffé d’un calot d’apothicaire : l’Harpagon interprété par Denis Podalydès à la Comédie Française ne ressemble à aucun autre et fait mouche à chaque moue esquissée, à chaque réplique proférée. Il n’est pas tragique, à peine pathétique dans sa folle passion de posséder, c’est un vieillard immature qui joue avec ses écus comme avec des legos. Joyeux dans sa hargne de rapace.

Ainsi l’a voulu Catherine Hiegel, la jeune doyenne des sociétaires de la Maison de Molière qui met en scène cet "Avare" avec une gourmandise allègre et en fait un spectacle jubilatoire où chaque réplique gicle de drôlerie et d’impertinence. Pas de transposition dans le temps, le beau décor du scénographe et architecte Goury plante cette sorte de no man’s land qu’est l’entrée d’une demeure bourgeoise, un carrefour où aboutissent et se croisent les issues, volées d’escaliers vers les étages ou les sous-sols, rambardes de fer forgé, barreaux de cage, miroirs ternis, verrière. Pas de meubles, pas d’accessoire, c’est un lieu de passage, on ne s’y arrête pas… Les costumes sont pimpants, sans chichis avec juste ce qu’il faut de mauvais goût pour épingler les sots ou les ladres. Pour se faire beau le grippe-sous en chef se pare d’une fraise rouge baiser qui lui va comme un nez de clown.

Benjamin Jungers/Cléante et Denis Podalydès/Harpagon

Un port de jouissance verbale

Ce qui frappe dans ce spectacle qui pétille d’inventions dans le simple jeu des acteurs, c’est le bonheur du verbe, des ruptures de phrases à chaque fois réinventées, de cette sorte de spontanéité dans la rogne ou le plaisir qui est le propre de l’enfance. Catherine Hiégel a mené à ce port de jouissance verbale les jeunes pousses du Français : Suliane Brahim, la benjamine des pensionnaires qui fait d’Elise une ado montée sur les ressorts de ses émois, Benjamin Jungers, Cléante teigneux, petit roquet prêt à mordre et en cela digne fils de son irascible père, Stéphane Varupenne, Valère à cloche pieds dans le tapis de son rôle de pseudo intendant, Marie-Sophie Ferdane, en Mariane aristocrate haut sur pattes. Jérôme Pouly, Jean-Louis Calixte, savoureux à leur manière en Maître Jacques ahuri et La Flèche, canaille de faubourg. En Frosine borgne et âpre au gain, Dominique Constanza campe une mégère gourmande prête à grignoter à tous les râteliers.

Podalydès qui n’a pas l’âge du rôle mais qui en transcende les tics, en vedette et en communion avec le public qu’il investit et prend à témoin, la troupe soudée à ses extravagances, un texte dont on redécouvre le génie comme si on l’entendait pour la première fois, voilà un Avare à consommer sans économie. Les enfants sont invités à y emmener leurs parents.

"L’ Avare" de Molière, mise en scène Catherine Hiegel, scénographie Goury, costumes Christian Gasc, lumières Dominique Borrini, musique originale Jean-Marie Sénia. Avec Dominique Constanza, Christian Blanc, Denis Podalydès, Jérôme Pouly, Pierre Louis-Calixte, Serge Bagdassarian, Marie-Sophie Ferdane, Benjamin Jungers, Stéphane Varupenne, Suliane Brahim.

Comédie Française, en alternance du 19 septembre 2009 au 21 février 2010
+33 (0)825 10 16 80


En logo : Pierre-Louis Calixte/La Flèche et Denis Podalydès/Harpagon

A propos de l'auteur
Caroline Alexander
Caroline Alexander

Née dans des années de tourmente, réussit à échapper au pire, et, sur cette lancée continua à avancer en se faufilant entre les gouttes des orages. Par prudence sa famille la destinait à une carrière dans la confection pour dames. Par cabotinage, elle...

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