Théâtre du Capitole de Toulouse

Faust de Philippe Fénelon

Un Faust en quête de vérité

Faust de Philippe Fénelon

Après celui de Gounod, après celui de Berlioz, un nouveau Faust à la française vient de naître à Toulouse. Il est signé Philippe Fénelon, l’un des plus prolifique compositeur de sa génération. Une création de prestige commandée par Nicolas Joël pour le Capitole de Toulouse dont il est capitaine inspiré depuis 17 ans et qu’il reprendra à l’Opéra National de Paris dès la première saison qu’il y dirigera à partir de 2009. A l’arrivée, une immense fresque d’errance spirituelle, d’éternels questionnements sur le sens de la vie, le vrai, le faux, le bien, le mal, Dieu et le diable… Mais contrairement à ses prédécesseurs qui ont pris le chef d’œuvre de Goethe pour modèle, Fénelon s’est tourné vers un poète allemand du 19ème siècle, Nikolaus Lenau… C’est, pour ainsi dire, passer de la lumière à l’ombre. Un exercice spectaculaire de grand connaisseur des musiques de son temps.

Textes littéraires et grands sujets philosophiques

A 54 ans, cet élève de Messiaen, a exploré et pratiqué toutes les formes musicales connues, musiques symphoniques vocales, instrumentales ou scéniques, formes d’hier, concertos, quatuors, madrigaux, ou dans l’air du temps comme les installation, rien de ce qui est musical ou simplement artistique ne lui est étranger. Il adapte, il écrit – son Histoire d’Opéras vient de paraître chez Actes Sud -, et il tourne des films… L’opéra bien sûr tient un rang privilégié dans ses préoccupations, toujours inspiré de textes littéraires et de grands sujets philosophiques. Le Chevalier Imaginaire prenait racine chez Cervantès et Kafka, Salammbô chez Stendhal et Les Rois chez Cortázar. Un mythe comme celui de Faust ne pouvait lui échapper.

Un poème épique de 3400 vers

Exit la recherche de l’éternelle jeunesse, exit l’amour de Marguerite, chez Lenau, c’est la vérité et elle seule que le savant Faust tente de débusquer et c’est pour elle et elle seule qu’il se vendra au diable… Le texte de Lenau (1836) n’est ni une pièce de théâtre, ni un roman, mais un poème épique de 3400 vers aussi dense qu’une haie de conifères ne laissant plus passer le moindre rayon de lune. Pour atteindre cette vérité le docteur Faust y fait de l’alpinisme, dissèque un cadavre, tourne le dos aux dogmes de l’église et finit par accepter l’offre de Méphistophélès qui lui promet la révélation suprême en échange de son âme… Ses aventures dès lors tournent aux mésaventures, sexuelles, sentimentales, artistiques, ou d’évasion… Toutes sans issue. A l’exception de celle de la mort qu’il choisit comme dernier recours. La morale de la fable dit que seul un homme qui accepte la vie comme elle est peut affronter l’existence… Il s’appelle Görg – personnage inventé par Fénelon – il succède à Faust et marche sur ses traces… Deux actes divisés en onze stations tracent l’itinéraire de ce singulier anti-héros, en tempêtes musicales entrecoupées d’interludes apaisés. Bien des sonorités du dernier siècle les traversent, de Richard Strauss à Alban Berg. De bout en bout on reconnaît la patte d’un fin gourmet des gammes.

Un grotesque de carnaval expressionniste

Pet Halmen, metteur en scène allemand qui avait à Toulouse déjà signé une mémorable Lulu de Berg met son imagination débordante au service de ce conte initiatique. A la fois scénographe, costumier et directeur des lumières il fait défiler une suite de tableaux qui s’articulent autour d’un crâne géant, modulable, transformable, d’un grotesque de carnaval expressionniste parfois très beau, souvent surchargé. Il n’est pas sûr que la richesse et l’extravagance de ses tableaux servent la musique. A trop faire voir, il finit par moments à en diluer l’écoute…

Bernhard Kontarsky dirige avec vigueur l’orchestre national du Capitole, les fureurs « fénéliennes » se déchaînent, les chœurs en pleine forme leur apportent des larges plages de rémission. Excellentes prestations de Arnold Bezuyen/Faust errant, de Robert Bork/Méphisto marchand d’âmes et de Gilles Ragon le fidèle interprète de Fénelon dans le rôle de Görk. C’est une toute jeune soprano suédoise, Karolina Anderson, 22 ans, qui relève avec panache et aplomb le défi d’un contre fa dièse acrobatique… Une révélation…

En attendant de revoir ce Faust à Paris, on pourra découvrir le 29 novembre prochain, en création mondiale, le tout dernier opus lyrique de Fénelon : une adaptation sous forme de monodrame pour soprano et orchestre de Judith, tragédie de l’allemand Friedrich Hebbel. Cornelius Meister dirigera l’Orchestre National de Paris exceptionnellement domicilié à la salle Pleyel.


Faust de Philippe Fénelon, livret du compositeur d’après l’œuvre de Nikolaus Lenau. Orchestre National du Capitole et Chœur du Capitole, direction Bernhard Kontarsky.
Avec Arnold Bezuyen, Robert Bork, Gilles Ragon, Patrick Simper, Philippe Fourcade, Christer Bladin, Alexandra Coku, Karolina Anderson, Clemens-C.Löschmann, Kim Schrader, Michael Nelle, Silvia Weiss, Cecile Galois, Fenna Ograjansek.
Toulouse – Théâtre du Capitole, les 25 & 29 mai et 1er juin à 20h – le 27 mai à 15h –
05 61 63 13 13

A propos de l'auteur
Caroline Alexander
Caroline Alexander

Née dans des années de tourmente, réussit à échapper au pire, et, sur cette lancée continua à avancer en se faufilant entre les gouttes des orages. Par prudence sa famille la destinait à une carrière dans la confection pour dames. Par cabotinage, elle...

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