Théâtre Royal de La Monnaie - Bruxelles

Falstaff

Suite burlesque pour clown aristocratique

Falstaff

Fin de saison en feu d’artifice pour le Théâtre Royal de La Monnaie de Bruxelles qui vient d’être couronné deux fois par le Syndicat de la Critique de Théâtre, Musique et Danse de Paris, avec son Grand Prix attribué pour la création mondiale de JULIE de Philippe Boesmans et son Prix Europe pour la production de BORIS GODOUNOV de Moussorgski par Kazushi Ono et Klaus Michael Grüber. La reprise de l’une de ses plus jolies réussites scéniques achève une saison particulièrement riche durant laquelle son directeur Bernard Foccroulle s’est vu confier la future direction du Festival d’Aix-en-Provence.

C’est l’Allemand Willy Decker qui eut l’idée de transposer les tribulations des commères de Windsor et de leur tête de turc/souffre douleur dans la brasserie très agitée de la gare de leur ville en costumes et accessoires des années trente du dernier siècle. Sir John Falstaff y tient table ouverte et surtout bouteilles débouchées pour en faire le lieu de rendez-vous de ses soit disant conquêtes galantes. Ventru, joufflu, tonitruant, fanfaronnant, il incarne le bouffon absolu, la rondeur parfaite sur laquelle les moqueries glissent comme le savon dans une baignoire, plus bête que méchant, divinement ridicule... Shakespeare en fit le point d’attraction de sa comédie Les Joyeuses Commères de Windsor, Verdi le hissa en rôle titre de son dernier ouvrage, inventé et composé à l’âge de quatre-vingt ans, l’été resplendissant d’une vie et d’une œuvre à nulle autre pareille. Liberté de ton, imagination en roue libre et maîtrise absolue de l’écriture musicale, Falstaff résonne comme le prototype de la joie de vivre, et donne envie de vieillir...

Tempérament de feu et sex appeal

A La Monnaie, après José Van Dam qui incarna le céleste histrion lors de la première mouture de cette production, c’est l’Italien Michele Pertusi qui en chausse la bedaine, les vantardises et - in fine - la mélancolie de celui qui n’est pas tout à fait dupe de lui-même. Superbement en voix, drôle, agile et d’un humour constamment en pointillé : il porte haut et fort toutes les marques de ce personnage hors série d’aristocrate à la dérive. Roberto De Candia lui tient tête en Ford lyrique ne sachant pas trop si c’est lui ou son pseudo-rival que sa femme Alice va rouler dans la farine. Celle-ci a le tempérament de feu et le sex appeal de la soprano espagnole Ana Ibarra tandis que la contralto russe Elena Zaremba, en Mrs Quicly déchaînée, lui prête main forte, drôlerie et aplomb.

Avec Nannetta et Fenton- Laura Giordano et Charles Castronovo - qui roucoulent à merveille leur duo d’amour - et tous leurs copains farceurs, la distribution atteint un beau degré d’ homogénéité. La brasserie à tout faire - alias Auberge de la Jarretière - du décor de John Macfarlane se prête à presque toutes les fantaisies de changement de lieu à l’exception de la scène du parc, censée se passer sous un chêne faussement hanté ... Ici l’arbre magique se contente de passer de biais par la fenêtre tandis qu’une lune en carton pâte souriant est manipulée par les complices de la mascarade... C’est astucieux, mais il y manque le petit brin de fantastique qui pimente le numéro d’ illusionniste mitonnée par les commères.
Un certain décalage sort de la fosse où Kazushi Ono, directeur musical de l’Orchestre Symphonique de La Monnaie, chauffe à blanc les instrumentistes. La musique tourbillonne à un rythme d’enfer, aussi enflée que le ventre de Falstaff, couvre les voix ici ou là, comme si le vieux Verdi avait besoin de vitamine pour se faire entendre. Précaution inutile.

Falstaff de Giuseppe Verdi et Arrigo Boito, d’après Les Joyeuses Commères de Windsor, de William Shakespeare. Orchestre Symphonique et chœurs du Théâtre Royal de La Monnaie, direction Kazushi Ono, mise en scène Willy Decker, décors et costumes de John Macfarlane, avec Michele Pertusi, Roberto De Candia, Anna Ibarra, Elena Zaremba, Elena Belfiore, Lorenzo Carola, Laura Giardano, Charles Castronovo, Emmenuele Giannino, Paolo Battaglia - Théâtre Royal de La Monnaie à Bruxelles - les 14,16,20,23,27,29 & 30 juin à 20h. 00 32 (70) 233 939

Crédit photos : Johan Jacobs

A propos de l'auteur
Caroline Alexander
Caroline Alexander

Née dans des années de tourmente, réussit à échapper au pire, et, sur cette lancée continua à avancer en se faufilant entre les gouttes des orages. Par prudence sa famille la destinait à une carrière dans la confection pour dames. Par cabotinage, elle...

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