Espace Chapiteaux de La Villette jusqu’au 31 octobre

Didon et Énée par Blanca Li

La chorégraphe vise l’universel dans son spectacle très fluide sur l’opéra baroque de Purcell.

Didon et Énée par Blanca Li

Blanca Li éprouve une vraie fascination pour l’opéra en trois actes d’Henry Purcell, Didon et Énée (1689), quintessence du baroque musical anglais. Elle l’a mis en scène l’an dernier à Madrid dans la version des Arts Florissants dirigés par William Christie, où musiciens, chanteurs et danseurs se partageaient la scène. Elle revient à la charge cette année, avec une version purement chorégraphiée de l’œuvre, par dix danseurs de sa compagnie sur une bande-son enregistrée par les mêmes Arts florissants. Nommée en juin dernier présidente de L’Établissement public de La Villette, la chorégraphe voit son spectacle, produit par Chaillot Théâtre national de la danse dont la grande salle est fermée pour travaux, délocalisé à L’Espace Chapiteaux de cette même Villette.

Cette fois, pas de surtitres comme à l’opéra pour expliciter l’action, le pari de la chorégraphe consistant à exprimer les non-dits de cette tragédie amoureuse érigée en mythe. Or même si cet épisode de L’Énéide, du poète latin Virgile, a été synthétisé par le librettiste, il n’en reste pas moins que l’action est d’autant moins évidente à suivre qu’elle fait intervenir le surnaturel. Et avant d’en arriver au suicide final de Didon, reine de Carthage, abandonnée par le prince Énée, rescapé de Troie détruite par les Grecs, il faut en passer par les étapes de la découverte et de la séduction puis de la trahison sur ordre divin, par le truchement d’une sorcière.

La chorégraphe a pris le parti de jouer le contraste entre la luxuriance de la musique et le dépouillement de la scène, faisant primer le symbolisme sur le réalisme. Sous les lumières très étudiées de Pascal Laajili, l’élément aquatique, la mer, est omniprésent avec des fonds de scène figurant des cieux tourmentés surplombant le plateau couvert d’eau sur lequel les danseurs glissent à genou ou à plat-ventre de manière très contrôlée d’un bout à l’autre de la scène. Même si le dispositif laisse une impression de déjà-vu (chez Pina Bausch notamment) il est toujours aussi efficace, ainsi que les ombres chinoises qui parsèment le spectacle.

Univers fluctuant

Très imprégnée d’esthétique baroque, notamment dans le positionnement sophistiqué des mains et des bras, la chorégraphie intègre des éléments allant du classique au contemporain, break dance et voguing. Le tout évoquant un univers fluctuant, toujours changeant, en mouvement perpétuel comme les vagues. Collant au rythme de la musique jusqu’à la redondance, la danse très fluide mais sans grande originalité varie les figures avec de vastes mouvements d’ensembles et quelques rares solos ou duos. Une place est faite au mime avec des danseurs pouvant imiter la gestuelle des musiciens jouant d’un instrument (à cordes ou à vent) tandis que d’autres miment le chant des solistes (comme en playback). Des arrêts sur image fugaces composent de magnifiques tableaux en clair-obscur dignes du Caravage.

L’acmé du spectacle est évidemment la séquence où Didon, abandonnée par son amant pour fonder la ville de Rome, se consume littéralement de chagrin dans ce sublime lamento « When I am laid in earth ». En quoi, le ballet atteint enfin l’universalité visée depuis le début.

Didon et Enée, d’Henry Purcell par Blanca Li, jusqu’au 31 octobre, https://www.lavillette.com/
Mise en scène et chorégraphie : Blanca Li assistée de Déborah Torres Garguilo et Glyslein Lefeve. Scénographie : Blanca Li avec la participation de Pierre Attrait assisté de Nina Coulais. Lumières : Pascal Laajili assisté de Jean-Luc Passarelli et Boris Pijetlovic Costumes : Laurent Mercier assisté de Ghjulia Giusti Muselli.
Musique enregistrée : Les Arts Florissants, direction : William Christie.
Avec Alizée Duvernois, Victor Virnot, Julien Marie-Anne, Meggie Isabet, Maeva Lassere, Coline Fayolle, Gaël Rougegrez, Martina Consoli, Gaetan Vermeulen, Quentin Picot

Tournée
Du 31 décembre au 2 janvier 2025 au Théâtre de Liège (Belgique)
Les 4 et 5 janvier 2025 au KVS de Bruxelles (Belgique)
Les 9 et 10 janvier 2025 à la MC2 de Grenoble (38)
Le 13 février 2025 au Cube Garges à Garges-lès-Gonesse (95)
Les 19 mars 2025 au Théâtre Alexandre Dumas à Saint-Germain-en-Laye (78)
Les 23 mars 2025 au Palais des festivals et des congrès de Cannes (06)

Photo Laurent Philippe

A propos de l'auteur
Noël Tinazzi
Noël Tinazzi

Après des études classiques de lettres (hypokhâgne et khâgne, licence) en ma bonne ville natale de Nancy, j’ai bifurqué vers le journalisme. Non sans avoir pris goût au spectacle vivant au Festival du théâtre universitaire, aux grandes heures de...

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