Carte noire nommée désir de Rébecca Chaillon

Un spectacle performatif féministe et percutant.

Carte noire nommée désir de Rébecca Chaillon

Carte noire nommée désir soulève les questions du regard posé sur la femme noire et de sa place dans la société. Rébecca Chaillon a choisi une disposition scénique bi-frontale. En fond de scène sont installés des canapés proposés à des femmes noires, métisses, afro-descendantes, le reste du public s’installe dans les gradins. L’espace théâtral reproduit les répartitions sociales et interroge le jeu des perceptions selon l’endroit où l’on se trouve.
Quand nous entrons dans la salle, nous découvrons un grand plateau blanc. Deux femmes sont déjà installées ; l’une fait de la poterie, l’autre, Rébecca Chaillon, en tenue de femme de ménage, lave le sol inlassablement et poursuit sa tâche lorsque le spectacle commence. La première performance est en place. Gestes épuisants, vêtements progressivement ôtés pour en faire des serpillères, c’est son corps nu, maquillé de blanc, qui frotte le sol et se confond avec la grisaille des saletés qu’elle ramasse. Elle est tous ces corps de femmes noires meurtris, éreintés par les ménages que beaucoup de femmes noires reléguées à des taches socialement dévalorisées, doivent assurées. Rébecca Chaillou, nue, poursuit par une longue séquence de tressage de nattes gigantesques très lourdes, par ses partenaires qui entrent en scène progressivement.
Les sept artistes qui accompagnent Rébecca Chaillon ont des parcours différents. Elles viennent de la performance, des beaux-arts, du théâtre, du cirque, de l’art lyrique. Déconstruisant les codes traditionnels du théâtre, elles enchaînent individuellement ou collectivement des propositions qui dénoncent les clichés sociaux, la sexualisation fantasmée du corps féminin noir, les contraintes familiales et culturelles. La scène avec la nounou Fatou est particulièrement réussie dans la dénonciation du manque de considération pour les jeunes femmes qui s’occupent d’enfants. Le chant et la harpe de Makeda Monnet introduisent un moment de douceur. La circassienne Estelle Borel est impressionnante lorsqu’elle évolue avec sa roue Cyr ou suspendue au-dessus du sol sur des chaînes.
Carte noire nommée désir est un spectacle performatif qui bouscule les lignes, sort le spectateur de sa zone de confort et dénonce avec force et colère toutes les formes de discrimination dont sont victimes les femmes noires. Corps épuisé par le travail ou les grossesses multiples, corps hypersexualisé, corps mutilé, femme invisibilisée et emprisonnée dans les carcans coloniaux, autant de situations douloureuses et révoltantes que les huit performeuses dénoncent avec fougue dans ce spectacle politique et féministe.

Carte noire nommée Désir de Rébecca Chaillon
Mise en scène : Rébecca Chaillon
Avec Estelle Borel, Rébecca Chaillon, Aurore Déon, Maëva Husband (en alternance avec Olivia Mabounga), Ophélie Mac, Makeda Monnet, Davide-Christelle Sanvee, Fatou Siby
Dramaturgie : Céline Champinot
Collaboration artistique : Aurore Déon, Suzanne Péchenart
Scénographie : Camille Riquier, Shehrazad Dermé
Régie son : Issa Gouchène, Élisa Monteil
Régie lumière :Myriam Adjalle
Assistanat à la mise en scène : Jojo Armaing, Olivia Mabounga
Régie générale et plateau : Suzanne Péchenart
Production : Compagnie Dans le Ventre
Crédit photo : Christophe Raynaud de Lage
Durée : 2h45

Festival d’Avignon 2023 jusqu’au 25 juillet, à 19h
Gymnase du Lycée Aubanel, 84000 Avignon
Avertissement : Certaines scènes peuvent heurter la sensibilité du public

Reprises
Odéon-Théâtre de l’Europe, Paris
du 28 novembre au 17 décembre
Le Volcan Scène nationale du Havre
les 2 et 3 février 2024
Théâtre 71 Scène nationale, Malakoff
les 25 et 26 avril.

A propos de l'auteur
Brigitte Coutin
Brigitte Coutin

professeur de lettres modernes en lycée

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