A huis clos de Kery James, mise en scène de Marc Lainé au Théâtre du Rond-Point.

L’affrontement radical de deux France.

A huis clos de Kery James, mise en scène de Marc Lainé au Théâtre du Rond-Point.

Légende du rap français, Kery James est connu pour ses pièces engagées. Après le succès d’A vif (éditions Actes Sud-Papiers, 2017), il revient avec un nouveau spectacle, accompagné à la mise en scène et à la scénographie par Marc Lainé. Une suite à sa première partie - un affrontement de deux avocats issus de « deux France » différentes. Pour A huis clos, l’auteur incarne encore son personnage fétiche - Soulaymaan -, au coeur d’une France meurtrie par une justice défaillante.

Après le meurtre de son grand frère par la police, le jeune avocat décide non seulement de prendre les armes mais de prendre encore en otage le juge qui a innocenté l’assassin de son frère. L’écriture aiguë fait s’affronter deux visions du monde selon un théâtre politique sommaire.

Le charismatique rappeur, auteur, compositeur, scénariste, réalisateur et poète Kery James revient sur la scène théâtrale, pour exprimer des échanges vifs et mobiles sur la politique, la démocratie, l’utilité des élections, l’amour, le pardon et la résilience ; les débatteurs découvrent dans ce parcours verbal émaillé de digressions que les fêlures de l’un répondent à celles de l’autre.

Une scénographie précise et subtile de Marc Lainé avec ses caméras sur pied et sur rail qui empruntent un chemin circulaire, circonscrivent la scène théâtrale projetée droit au-dessus d’elle, sur un immense écran, permettant au public d’explorer les expressions sensibles des visages en lice. Le public est en situation de faire son propre jugement, selon les données exactes des faits.

Pour le service d’un texte en forme de plaidoirie, soit autant une critique acerbe de notre société qu’une fiction brutale à travers l’amour des mots - un art de proférer sonnant et non trébuchant. Le « terroriste », avocat de profession, tient tête verbalement au juge bourgeois et bien assis. Et la confrontation, l’affrontement, l’échange, la controverse clamée haut et fort, sont les pendants à l’expression d’une violence physique qui trop souvent aujourd’hui s’impose.

La controverse débat sur une question, une polémique autour d’un sujet sensible, de déclarations qui ne font pas l’unanimité. « De toute chose, on peut faire naître une controverse, si on est habile à parler ». (Euripide) Or, pour beaucoup et selon l’adage de Jean-Luc Mélenchon, « la police tue ».

Drôle de monde aux bavures policières répétitives - actions violentes conduites par des policiers, dans l’exercice de leur fonction, envers d’autres personnes, hors du cadre défini par la loi. Les bavures policières concernent les cas les plus graves, conduisant à la mort de la personne attaquée. Avant, existent divers actes d’abus policiers - l’abus de surveillance, l’arrestation frauduleuse, l’intimidation, la répression politique, l’intimidation, l’abus sexuel.

Le juge insiste : « On sait tous les deux pourquoi vous êtes là… Et comment tout ceci risque de ou plutôt va se terminer…Cela ne nous empêche pas d’échanger… A moins que vous ne craigniez de percevoir mon humanité et qu’il vous soit plus difficile de m’abattre… »

Dans « Le Monde » daté du 26 et 27 novembre 2023, on peut lire que le meurtrier de George Floyd a été poignardé en prison. Derek Chauvin a survécu à l’attaque qui s’est déroulée dans un pénitencier fédéral de l’Arizona où il est incarcéré, selon les médias américains. Le policier blanc qui avait asphyxié le quadragénaire noir à Minneapolis en mai 2020 purge deux peines de plus de vingt ans de prison chacune pour meurtre et violation des droits civiques.

Deux France, deux mondes, la démonstration est caricaturale, ne ménageant nulle surprise ni suspens, si ce n’est le coup de théâtre et volte-face final qui fait que le sens du spectacle se rééquilibre avec bonheur et soulagement, faisant armes égales avec les deux camps qui s’affrontent, puisque toute cette violence n’était que jouée sur la scène, rattrapée par la raison et la mesure. Le final permet au public de souffler après tant de tension. Avec deux comédiens admirables, Jérôme Kircher et Kery James.

A huis clos, un spectacle de Kery James (éditions Actes Sud-Papiers), mise en scène et scénographie de Marc Lainé, dramaturgie Agathe Peyrard. Avec Kery James et Jérôme Kircher, création lumières Kevin Briard, création et régie vidéos Baptiste Klein, Yann Philippe, création sonore Clément Rousseaux, costumes Marie-Cécile Viault. Du 15 novembre au 3 décembre 2023, du mardi au vendredi 20h30, samedi 19h30, dimanche 15h, au Théâtre du Rond-Point 2bis, avenue Franklin D. Roosevelt 75008 - Paris. Tél : 01 44 95 98 21, theatredurondpoint.fr Le 8 décembre 2023, L’Arc, Scène Nationale du Creusot (71). Le 12 décembre, Théâtre de Vénissieux (69). Le 21 décembre, L’Avant-Seine, Colombes (92). Les 23 et 24 janvier 2024, Radiant - Bellevue, Caluire (69). Les 26 et 27 janvier, Grand Théâtre MC2, Grenoble (38). Le 30 janvier et le 1er février, Bonlieu, Scène Nationale Annecy (74). Le 3 février, Halle Culturelle La Merise, Trappes (78). Les 6 et 7 février 2024, Les Quinconces Grand Théâtre, Le Mans (72). Le 24 février, Théâtre de Colmar (68). Le 15 mai, Théâtre de Verre, Chateaubriand (44). Les 23 et 24 mai, Théâtre Jean Vilar de Vitry-sur-Seine (94).
Crédit photo : Koria.

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Véronique Hotte

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