Saint-Denis, Théâtre Gérard Philipe

Whistling Psyche de Sebastian Barry

Portraits de femmes militantes

Whistling Psyche de Sebastian Barry

C’est à une rencontre imaginaire, à la fois historique et intime, à laquelle invite à travers cette pièce le romancier et dramaturge irlandais Sebastian Barry, né en 1955 à Dublin. Il réunit deux figures de l’Angleterre victorienne où, aux côtés des innovations industrielles, s’engagent différents mouvements syndicaux et pour les droits des femmes. L’une est Miss Florence Nightingale (1820 – 1910) pionnière dans l’évolution des soins infirmiers et la formation du personnel hospitalier, dont les actions et l’engagement lui conférèrent une renommée nationale. L’autre, le Docteur James Miranda Stuart Barry, (environ 1795 - 1865) médecin et chirurgien gradé de l’armée britannique, qui au cours de ses campagnes à travers le monde fit progresser l’hygiène et les soins médicaux, tant pour les soldats que pour les habitants des pays traversés. Lorsqu’il meurt de dysenterie le 25 juillet 1865, on découvre que ce personnage idéaliste et opiniâtre, au caractère bien trempé, était une femme, née Margaret Ann Bulkey. Elle avait dû quitter son apparence originelle pour pouvoir intégrer l’Université d’Edimbourg, à l’époque citadelle masculine, et obtenir son diplôme en 1812. La raison sans nul doute pour laquelle son nom fut mis sous le boisseau par l’armée et qu’elle ne connut aucune reconnaissance.

Ces deux personnages sont réunis sous ce titre original sibyllin, pouvant se traduire “en appelant Psyché”, du nom dont Barry baptisait tous les chiens qui l’ont accompagné durant sa carrière. Au vu de la pièce, on peut aussi penser à la théorie psychologique analytique du même nom, englobant les manifestations conscientes et inconscientes de l’individu. Car dans cette rencontre imaginaire se révèlent les différentes strates intérieures qui animent les deux femmes. Sous la forme de deux monologues qui se croisent ou s’entrechoquent, avant de devenir dialogue éprouvant dans un jeu de miroirs éclatés. A travers les souvenirs évoqués et les réflexions se dessinent les portraits de deux individualités issues de milieux sociaux opposés, marquées par leurs combats, leurs frustrations et blessures respectives, mais animées au-delà de leurs différences d’une volonté farouche pour vivre et lutter contre les oppressions d’une époque.

Whistling Psyche de Sebastian Barry

Dans la traduction allégée de Isabelle Famchon, le texte de Sebastian Barry passe surtout la rampe grâce à deux grandes comédiennes. Catherine Hiegel, offre une formidable présence au Docteur Barry. Sous sa perruque et dans son costume militaire orné de brandebourgs, elle donne à ressentir, à travers les variations de ses tonalités vocales et sa gestuelle toute en nuances, la mesure du combat, des souffrances et des manques, vécus par un être dépossédé de son identité durant des années. Dans un autre registre, Juliette Plumecocq-Mech, vêtue d’une robe noire, est une Florence Nightingale saisissante, restituant à travers ses accents la nature d’une femme à l’esprit en éveil, coincée entre puritanisme, colère et détermination, en laissant flotter une part d‘ambiguïté à l’ombre de la mort.
Elles évoluent dans un espace conçu par Julie Brochen évoquant une salle d’institut médico-légal avec des tables de dissection, dont la structure se transforme à l’aide de voilages manipulés à vue sur lesquels apparaissent des projections d’images, tour à tour illustratives ou évocatrices. Une option choisie en fonction de sa mise en scène dont la distanciation et l’articulation ne contribuent pas à clarifier les propos et laissent des passages du récit flous ou ésotériques. Malgré ces réserves, si cette représentation peut être perçue comme un plaidoyer féministe, elle demeure avant tout le reflet d’aventures humaines attachantes, qui avec un peu plus de sensibilité auraient davantage touché au cœur.

@ Franck Beloncle

Whistling Psyche, de Sebastian Barry, traduction Isabelle Famechon, mise en scène et scénographie Julie Brochen, avec Catherine Hiegel, Juliette Plumecocq – Mech et David Martins. Vidéo Alexandre Gavras, lumières César Godefroy, son Madame Miniature, costumes Elisabeth Kinderstuth. Durée : 1 h 15 . Théâtre Gérard Philipe – Saint – Denis jusqu’au 3 mars 2013.

A propos de l'auteur
Jean Chollet
Jean Chollet

Jean Chollet, diplômé en études théâtrales, journaliste et critique dramatique, il a collaboré à de nombreuses publications françaises et étrangères. Directeur de publication de la revue Actualité de la Scénographie de 1983 à 2005, il est l’auteur de...

Voir la fiche complète de l'auteur

Laisser un message

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

S'inscrire à notre lettre d'information
Commentaires récents
Articles récents
Facebook