Paris, théâtre du rond-point jusqu’au 19 novembre 2011
Une histoire d’âme d’après Ingmar Bergman
Sophie Marceau, un retour gagnant
En 1972, le cinéaste et scénariste suédois Ingmar Bergman écrit ce texte, pour un projet de long métrage constitué “d’un seul plan rapproché ” qui ne sera jamais réalisé. Un monologue – publié en 1987 aux éditions Les Cahiers du cinéma sous le titre Une affaire d’âme – aujourd’hui adapté et mis en en scène par Bénédicte Acolas, qui, après avoir œuvré pour la danse, aborde le théâtre pour la première fois.
Une plongée dans l’univers mental d’une femme, Viktoria, souffrant de troubles psychiatriques.
A travers ses soliloques, elle livre ses réflexions intimes, ses souvenirs vrais ou fantasmés. Son enfance et ses relations familiales complexes, sa vie de couple avec son mari Alfred, sa fascination pour Richard Strauss, ses études auprès du peintre Eugène Carrière ou encore son aspiration à devenir comédienne devant un parterre royal. Sans ordre chronologique, autant de ponctuations qui révèlent les cheminements qui l’ont conduit à son état présent. Rêves évanouis, déceptions, désirs inassouvis, croisent ses frustrations et ses blessures morales et affectives. Une manière d’introspection alternant le réel et l’illusoire, dans laquelle elle puise une forme de résistance face au monde inhumain qui l’entoure en contribuant à sa solitude et à son enfermement.
Une héroïne bergmanienne
Ce texte singulier et troublant offre l’occasion à Sophie Marceau de retrouver la scène, qu’elle avait abandonné depuis son interprétation de Eliza Doolitle dans Pygmalion de G. B. Shaw en 1993. Seule en scène, dans un exercice délicat, elle incarne avec finesse Viktoria, dont elle révèle les différentes facettes et la profonde humanité, dans l’entre-deux d’un dosage aux limites de la lucidité et de la folie. Sans excès, mais en alternant les registres d’une partition traversée tour à tour d’émotion, d’humour, de poésie et de sensualité. Avec un abattage et une belle présence sur le plateau dont elle manipule les trois modules géométriques habillés de fins treillages métalliques du décor abstrait et bien adapté d’André Acquart, comme autant de construction et de déconstruction de son paysage mental. Tour à tour, triste ou meurtrie, provocatrice ou ironique, elle éclaire avec talent jusque dans ses silences cette odyssée intérieure attachante. Elle prolonge ainsi de cette manière dans cette représentation, la sensibilité d’un cinéaste qui tout au long de sa carrière avait su si bien cerner l’âme féminine.
Une histoire d’âme, d’Ingmar Bergman, traduction, adaptation et mise en scène Bénédicte Acolas, avec Sophie Marceau. Scénographie André Acquart, lumières Katell Djian, costumes Olga Karpinsky. Durée 1 h 15. Théâtre du Rond Point jusqu’au 19 novembre 2011. CDDB – Lorient du 22 au 26 novembre 2011. Théâtre de Nice du 30 novembre au 7 décembre 2011. Théâtre du Jeu de Paume – Aix-en-Provence du 9 au 17 décembre 2011
photo Nathalie Eno