Critique – Opéra & Classique

Un ballo in maschera de Giuseppe Verdi

Piotr Beczala, étoile du bal.

Un ballo in maschera de Giuseppe Verdi

Le retour de Piotr Beczala à Barcelone avait suscité les plus grandes espérances, tant son travail dans « Werther » avait plu. L’attente du public, centrée non seulement sur les futures performances du ténor polonais, mais aussi sur la musique de Verdi, n’aura pas été déçue.

Effectivement, l’orchestre de la maison, bien taillé pour la musique italienne, s’est montré brillant sous la baguette de Renato Palumbo. Il a fait preuve de son savoir-faire, autant dans les brefs moments symphoniques -où il a été impérial sans tomber dans la vulgarité-, que lorsqu’il accompagnait les chanteurs : dans ces moments-là il a su aussi se faire discret, sans disparaitre complétement.

De Werther à Riccardo, un Piotr Beczala convaincant

L’étoile de la nuit fut le ténor polonais : sur scène il a été tout à fait convaincant. Il s’est montré amoureux d’Amélia -la femme de son ami et subordonné-, d’abord dans le secret, et plus tard au grand jour. Puis il s’est repenti de cet amour interdit, et à la fin il a parfaitement joué le rôle de la victime expiatoire. Sa mort étant la conséquence de l’inextricable imbroglio créé par lui-même.

Le ténor a convaincu la salle en tant qu’acteur, mais aussi, et surtout, il a donné de Riccardo une version chantée digne des meilleurs. Sa voix n’a pas de timbre bien reconnaissable, mais son émission est très généreuse. De plus il maîtrise la phonétique italienne dont il tire de nombreuses sonorités agréables et inédites. Son diapason est étendu, il atteint donc le registre aigu sans effort visible et sans problèmes, que ce soit dans le forte ou le piano. Ses graves sont sonores. Mais c’est surtout sa présence physique sur scène, son assurance et l’ascendant sur les autres chanteurs, sans exception, qui ont le plus contribué au succès de la nuit.

Une distribution qui tient grâce à la présence du ténor.

La présence du ténor a en particulier rassuré Keri Alkema/Amelia-. C’est seulement à partir du dialogue du second acte qu’elle a réussi à éviter tout dérapage par manque d’autocontrôle. Jusque-là les attaques de la soprano avaient été imprécises, ses aigus approximatifs. Bien que son émission ait toujours été d’une grande clarté et son timbre très agréable, cela ne suffisait pas à incarner le personnage d’Amelia. Au bout de la nuit et avec l’aide précieuse du ténor, elle a élevé son personnage a un excellent niveau vocal mais aussi dramatique.

Marco Caria/Renato a donné de l’ami fidèle, et bourreau à la fin, un jeu scénique et une interprétation vocale très académiques, un tantinet besogneux, mais il a aussi montré une indéniable envie de bien faire. Si sa dernière intervention a été, très injustement, huée par une très faible partie du poulailler, ses performances vocales ont été très correctes, même aux extrémités de la tessiture. Dolora Zajick a joué Ulrica, bien que l’excellente cantatrice, ne semble plus en mesure d’affronter un rôle aussi puissant et contraignant. Le public, qui la connaît bien, se rappelant de ses succès d’autrefois, a copieusement applaudi la mezzo au tomber du rideau.

L’importance du rôle d’Oscar n’est pas à souligner. Le fringant valet est un personnage de premier ordre dans l’histoire et il a été très bien traité, autant par le librettiste que par le compositeur. Ses interventions sont attendues et célébrées en général par le public. Le travail d’Elena Sancho Pereg fut convenablement apprécié. Sa voix, flexible et de sonorité agréable, a été pourtant beaucoup trop légère et donc, n’a pas su rendre l’épaisseur du rôle. Les méchants conspirateurs Roman Ialcic/Samuel et Antonio di Matteo/Tom ont correctement rempli leurs missions.

Le chœur de la maison – Contxita Garcia —, renforcé pour l’occasion par le chœur des enfants - Amics de la Unió - Josep Vila i Jover - a donné une bonne prestation, même si, au dernier moment, lorsque tout semblait se terminer pour le mieux, il a fait retentir une note d’une intensité démesurée, qui a surpris le chef lui-même dans la fosse.

Une mise en scène minimale sauvée par le gong.

La mise en scène, inexistante, ressemblait à une sorte de mise en espace avec costumes. Une brève exception a sauvé, à nos yeux le travail de Vincent Boussard du naufrage total : Tom, le conjuré, a dû chercher consciencieusement sa carte de visite pour la mettre dans le panier au moment crucial du tirage au sort de l’un des trois possibles bourreaux de Riccardo. On a assisté à une scène où il fouille fébrilement toutes les poches de sa veste et de son pantalon, avant de trouver la précieuse carte de visite in extremis. Un vrai coup de maître de la part du metteur en scène, qui a joint l’humour au drame, comme savent le faire les plus grands. Bravo !

Un ballo in maschera, mélodrame en trois actes de Giuseppe Verdi. Livret d’Antonio Somma. Coproduction Théâtre du Capitole (Toulouse) et Staatstheater Nürnberg (Nuremberg). Mise en scène de Vincent Boussard. Décors de Vincent Lemaire. Costumes : Christian Lacroix. Direction musicale de Renato Palumbo. Chanteurs (le 18 octobre) : Piotr Beczala, Marco Caria, Keri Alkema, Dolora Zajick, Elena Sancho Pereg, Roman Ialcic, Antonio Di Matteo etc...

Gran Teatre del Liceu les 7, 8, 10, 11, 15, 16, 18, 20, 21, 23, 24, 26, 28, 29 octobre
http://www.liceubarcelona.com exploitation@liceubarcelona.cat
Téléphones 902 53 33 53 +34 93 274 64 11 (International)

Photos Antoni Bofill

A propos de l'auteur
Jaime Estapà i Argemí
Jaime Estapà i Argemí

Je suis venu en France en 1966 diplômé de l’Ecole d’Ingénieurs Industriels de Barcelone pour travailler à la recherche opérationnelle au CERA (Centre d’études et recherches en automatismes) à Villacoublay puis chez Thomson Automatismes à Chatou. En même...

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