Show girl par Saldana et Drillet

Le monde cru des chairs exhibées

Show girl par Saldana et Drillet

La jeune Nomi Mallone rêve de devenir danseuse à Las Vegas. Paul Verhoeven l’avait décrit au cinéma par un film en 1995. Marlène Saldane et Jonathan Drillet le transposent au théâtre. Vu du dehors et du dedans : un milieu de violence, de compétitivité, d’implacabilité.

Avant tout et surtout ce spectacle est celui de Marlène Saldane, comédienne, chanteuse, danseuse, mime, harangueuse, présence imposante, énergie généreuse et contagieuse. Et c’est aussi le contraste avec un Jonathan Drillet filiforme, délicat, machiniste discret, drag queen haut perchée, à la présence affirmée dans le genre funambule insaisissable. À l’image de cette représentation articulée entre des tensions binaires.

La vulgarité crue côtoie l’analyse délicate ; la sexualité exhibée relaie le désir érotique ; la grossièreté primaire se heurte aux connaissances pointues de cinéphiles cultivés ; la provocation débouche sur la mise en cause sexiste et le plaidoyer en faveur des femmes humiliées ; le rêve mute en cauchemar ; la farce caricaturale se distingue du fait divers dramatique ; la revendication vociférée ne dessert pas la tendresse nostalgique. Tout se résume en une réplique : «  C’est la victoire de l’ironie sur le tragique. »

Au service de cette machine de guerre contre l’exploitation du corps féminin et l’avilissement de son âme, une accumulation de signes. Le décor et les costumes en regorgent : du grand escalier des revues réduit à un minable praticable jusqu’au volcan en éruption éjaculatrice, voire en téton gicleur ; de la robe moulante issue de l’affiche du film de Verfhoeven à ces strass de pacotille arborés par les girls jusqu’au pénis géant en apparence de bijou diamanté ; de la nudité de la pole dance au kitch volontaire du new burlesque avec ses ailes d’ange déchu...

Ce spectacle tornade emporte tout, apporte ses réflexions, assume son militantisme légitime. Le rythme de la mise en scène et des musiques permet à Saldane un jeu énergique dont l’engagement est total, exploitant une variété vocale impressionnante, un jeu corporel maîtrisé dans l’énergie comme dans la parodie. D’où un message qui a du corps.

Durée : 1h20

29 avril 2022 La Rose des Vents (hors les murs à la Condition Publique, Roubaix)

Librement adapté de Showgirls de Paul Verhoeven (1995)
Texte, interprétation : Marlène Saldana, Jonathan Drillet
Création musicale : Rebeka Warrior
Mix : Krikor
Décor : Sophie Perez
Sculpture : Daniel Mestanza
Costumes, maquillage, perruques : Jean-Biche
Lumières : Fabrice Ollivier
Son : Guillaume Olmeta
Conseil chorégrahique : Mai Ishiwata
Assistanat : Robin Causse
Production/diffusion : Chloé Perol
Production : The United Patriotic Squadrons of Blessed Diana
Coproduction Nanterre-Amandiers Centre dramatique national, Centre Chorégraphique National (Caen) , Charleroi Danse, Théâtre Saint Gervais (Genève), Les Subsistances (Lyon), La rose des vents (Villeneuve d’Ascq), TAP (Poitiers), La Comédie (Reims)
Remerciements : Pierre Hardy, Philippe Quesne, Tina Scott pour Neonglazenails, Cédric Deboeuf Studio, Marc Chevillon, Jérôme Pique, Narcisse Agency
Photo (c) Jérôme Pique

A propos de l'auteur
Michel Voiturier
Michel Voiturier

Converti au théâtre à l’âge de 10 ans en découvrant des marionnettes patoisantes. Journaliste chroniqueur culturel (théâtre – expos – livres) au quotidien « Le Courrier de l’Escaut » (1967-2011). Critique sur le site « Rue du Théâtre »...

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