Paris, au Théâtre de la Tempête jusqu’au 18 avril

R.E.R. De Jean-Marie Besset

Ce qu’on espère et ce qui arrive

R.E.R. De Jean-Marie Besset

Pour cette nouvelle pièce, Jean-Marie Besset a puisé aux sources de deux faits divers qui n’étaient finalement « que des tours de gibecière », mais enflammèrent les opinions. La fausse agression par six hommes blancs d’une adolescente noire, à New York, et à Paris, celle d’une jeune femme qui affirmait avoir été molestée dans le R. E. R et sans que les passagers n’interviennent, par six jeunes maghrébins qui l’avaient prise pour une juive, puis avoua quelques jours plus tard qu’elle avait menti. Deux mensonges similaires qui déchaînèrent des commentaires indignés au nom de racisme pour l’un et de l’antisémitisme pour l’autre et suscita un fracas médiatico-politique révélateur d’une société prompte à diaboliser l’autre pour se dédouaner de ses démons.

Si Jean-Marie Besset y fait allusion, ce qu’il retient d’abord et nous fait clairement entendre, est qu’à travers la folie de tels actes, c’est le désarroi de vies en déshérence qui se révèlent.
Pour profond et sérieux que soit le sujet, Jean-Marie Besset n’écrit pas une pièce à thèse. Ce n’est pas du tout son genre. Le sien serait plutôt la comédie anglo-saxonne à la Alan Bennett où l’humour sert de masque à la douleur.

A Drancy, Jeanne (Mathilde Bisson), vendeuse chez Lidl, alimente ses rêves d’évasion en collectionnant les valises et en lisant Voici. Elle vit une relation amoureuse avec Jo (Marc Arnaud), un intermittent du boulot qui bricole dans la resquille, ce qui n’est pas du goût de sa mère, saisissante version féminine de Dupont La Joie (Andréa Ferréol).
Dans le même temps, au Quartier Latin AJ,(Lahcen Razzougui) jeune ingénieur qui se partage entre Shanghai et Paris, demande à son ami Herman, avocat juif et homosexuel (Didier Sandre), de l’aider à reconquérir Onyx (Chloé Olivères), jeune étudiante, un peu bas bleu, dont il est fou amoureux. Mais voilà qu’Herman, qui a accepté la mission, est commis d’office pour défendre Jeanne après sa prétendue agression dans le R.E.R. Il sera celui par qui vont se croiser des univers qui d’habitude ne se rencontrent jamais. Le monde précaire des banlieues et celui, nanti, des beaux quartiers. S’en suivent d’incisifs frottements de personnalités, de curieuses manœuvres et embardées amoureuses où se dévoilent des fractures intimes, des solitudes irrémédiables, des rêves en suspens.

Certes, on pourrait reprocher à Jean-Marie Besset de se laisser parfois emporter par sa verve et à Gilbert Desveaux une mise en scène un peu sage, qu’importe, tels, la pièce et ses personnages emportent l’adhésion. Au brio d’une écriture incisive s’ajoutent surtout la force et la justesse d’une brillante et virtuose distribution qui avance en superbe équilibre sur le fil ténu du mensonge et de la vérité, de l’élan sincère et de la retenue, du rire et de la douleur secrète et ainsi, nous rend perceptible toutes les nuances d’une comédie à l’encre acide mais baignée d’âme.

Après le Théâtre de la Tempête, la pièce fera l’ouverture de la prochaine saison du Théâtre des Treize Vents de Montpellier, Centre dramatique national dont Jean-Marie Besset est le nouveau directeur depuis le mois de janvier.

R.E.R. de Jean-Marie Besset, mise en scène Gilbert Desveaux avec Andréa Ferréol, Didier Sandre, Marc Arnaud, Mathilde Bisson, Brice Hillairet, Chloé Olivères, Lahcen Razzougui – 2 heures
Théâtre de la Tempête jusqu’au 18 avril tel 01 43 28 36 36

© Antonia Bozzi

A propos de l'auteur
Dominique Darzacq
Dominique Darzacq

Journaliste, critique a collaboré notamment à France Inter, Connaissance des Arts, Le Monde, Révolution, TFI. En free lance a collaboré et collabore à divers revues et publications : notamment, Le Journal du Théâtre, Itinéraire, Théâtre Aujourd’hui....

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