Paris-Théâtre de Belleville jusqu’au 18 décembre 2011
Ô Carmen, opéra clownesque d’Olivier Martin-Salvan, Anne Reulet-Simon et Nicolas Vial
Visite guidée
Trois auteurs, Olivier Martin-Salvan, Anne Reulet-Simon et Nicolas Vial (qui signe aussi la mise en scène) pour écrire un spectacle, on pourrait trouver l’idée pour le moins étrange si ce n’est que le projet exige, pour fonctionner, que non seulement l’on tienne ensemble plusieurs fils (texte, situations, rythme, effets, airs, musique, mime, etc.) mais que tout soit millimétré avec minutie dès le départ. C’est qu’évoquer l’univers de l’opéra sans décor, par le seul talent d’un acteur et d’un musicien, relève de l’exploit. L’artiste en scène, Olivier Martin-Salvan, qui est aussi un des auteurs, est un acteur, un chanteur et un mime épatant, sidérant de virtuosité et de naturel. Il interprète un jeune artiste lyrique qui se retrouve doublure de Don José dans une superproduction de Carmen à l’Opéra. Dès son entrée en scène, l’effet de surprise est assuré. Petit bonhomme tout rond, vêtu d’un tee-shirt et d’un bleu de travail, chaussé de grosses chaussures de marche, il évoque à la fois un technicien de plateau et un artisan, ce qui place la création artistique du côté des métiers d’art plutôt que dans les rangs des poètes inspirés. Aurélien Richard, talentueux musicien et chef de chant, l’accompagne au piano, silhouette sèche et anguleuse, vêtu du même costume que l’acteur. Le contraste façon Laurel et Hardy contribue discrètement à la gaieté du spectacle. L’humour est au programme, mais jamais l’ironie gratuite. Et si les piques fusent souvent, il n’y a pas de doute sur l’intention. A la vitesse de la lumière l’acteur brosse une galerie de portraits et de situations hilarantes, depuis les différents professeurs plus ou moins extravagants jusqu’au metteur en scène version star system, en passant par la standardiste obtuse de l’Opéra ; on visite les loges, les ateliers de couture et de costumes. Mime et bruiteur virtuose, il donne vie aux personnages et aux objets, crée des images mentales d’une incroyable réalité visuelle et sonore. On entend le son des machines à coudre, du tissu coupé, de la circulation urbaine, des émissions de télévision zappées, du réveil matin, etc. Sans oublier les airs de Carmen très joliment chantés et interprétés avec humour. Les gags foisonnent, inénarrables, souvent visuels, absurdes. Au-delà de la parodie, le spectacle évoque la vie quotidienne des artistes en répétition souvent épuisante. Moulus par le rythme métro-boulot-dodo, ils sont aux prises avec un monde dont on ignore souvent la dureté des conditions de travail. Un spectacle burlesque, poétique, impertinent qui mêle théâtre, musique et mime avec une rigueur qui n’a d’égal que la fantaisie qui explose à chaque minute en éclats de rire.
Ô carmen, opéra clownesque d’Olivier Martin-Salvan, Anne Reulet-Simon et Nicolas Vial, mise en scène Nicolas Vial, avec Olivier Martin-Salvan et Aurélien Richard. Au théâtre de Belleville jusqu’au 18 décembre 2011. 01 48 06 72 34 Durée : 1h25. Du mardi au samedi à 19h. Dimanche à 16h.
crédits photo : Brigitte Enguérand