Nicolas Le Riche quitte l’Opéra de Paris

Une étoile exceptionnelle d’en va

Nicolas Le Riche quitte l'Opéra de Paris

Jusque dans les années 40 du XXème siècle, le nombre d’étoiles du Ballet de l’Opéra de Paris était réduit, il se comptait sur les doigts d’une main.
Actuellement, ils sont dix-neuf danseurs en exercice, dix femmes et neuf hommes, à avoir accédé à ce grade suprême dans la compagnie.
Parmi eux, Nicolas Le Riche, 42 ans, qui, le 9 juillet prochain au cours d’une soirée exceptionnelle au Palais Garnier, fera ses adieux (officiellement il est à la retraite, ce qui ne l’empêchera de danser) à la Maison où il aura passé plus de trente ans de sa vie en gravissant les échelons tel un météore.

La revue officielle de l’Opéra de Paris « En scène » dans son numéro de fin de saison ne craint pas de titrer un article qui lui est consacré : « L’envol d’un fils prodige ». C‘est dire la considération justifiée dont il est l’objet.
Ce n’est pas diminuer le talent de ses camarades étoiles de reconnaître à Nicolas Le Riche une aura supplémentaire. Ce danseur lumineux, dont le visage ne répond pas totalement aux canons de la beauté classique, appelle l’attention dès qu’il entre en scène, par sa fougue, sa vivacité, sa capacité d’élévation et l’émotion dont il est porteur. C’est ce en quoi il est un « prodige », c’est ce pourquoi il est à part, bouleverse les publics et soulève des ovations, qu’il danse le soliste du Boléro de Maurice Béjart et d’ Apollon de George Balanchine, incarne le prince du Lac des cygnes de Petipa revu par Rudolf Noureev ou Le Jeune homme et la Mort de Roland Petit.

Chaque génération compte ainsi un danseur ou deux qui émerge d’un lot d’autres merveilleux danseurs, mais pour des raisons parfois différentes. Nicolas Le Riche pour sa part, ajoute à la présence physique une capacité de réflexion sur son art, ce qui est à souligner. Classique et contemporain voisinent à son répertoire. Pour lui point de cloisonnement.

Parmi les chorégraphes vivants, celui qui l’a le plus marqué, et qui fut pour lui « une révélation de la danse » dit-il, c’est Roland Petit. A 18 ans, il interpréta son Jeune homme et la Mort , rôle assumé par des danseurs généralement plus âgés et qu’il a continué à danser pendant toute sa carrière.
Pour Le Guépard , d’après le roman de Lampedusa que Roland Petit créa en 1994 pour son Ballet de Marseille avec en invité Nicolas Le Riche, ce dernier fit plus fort : il campait le prince Salina, un homme de 50 ans qui se métamorphosait en jeune homme lorsqu’apparaissait une jeune femme. La mue était prodigieuse. Nicolas Le Riche n’avait alors que 22 ans.

Depuis le 27 juillet 1993, Nicolas Le Riche était danseur étoile de l’Opéra de Paris, nomination proposée par le directeur de la danse de l’époque, Patrick Dupond, à l’issue d’une représentation dans les Arènes de Nîmes de Giselle pour laquelle il était le Prince. Déjà à côté de ce rôle classique, il abordait la Giselle contemporaine de Mats Ek.

Il a commencé la danse à l’âge de 7 ans et est entré à l’âge de 8 ans à l’Ecole de Danse de l’Opéra de Paris, alors dirigée par Claude Bessy. Ensuite sa progression est fulgurante : à 16 ans il est incorporé dans le Ballet, dont il est coryphée en 1989, sujet en 1990 et premier danseur en 1991.
Lorsqu’il évoque sa période de formation, il n’omet aucune des personnalités qui y ont présidé : Christiane Vlassi, dont l’enseignement était « une découverte partagée », Gilbert Mayer qui représentait pour lui « le brio, la virtuosité », Serge Golovine et sa « vision quasi-spirituelle de la danse et beaucoup de détachement », Serge Perrault qui lui a fait comprendre en danse ce qu’est « le moelleux et l’atterrissage en douceur », et Serge Peretti, le « maître » dont il suivit les cours à l’extérieur de l’Ecole.

La soirée du 9 juillet 2014 que Nicolas Le Riche a imaginé devrait être pour lui : « le partage d’un parcours, une réflexion sur les rencontres avec les gens, les œuvres » que l’Opéra de Paris lui a permis. Avec le concours du Ballet de l’Opéra de Paris, il y aura beaucoup d’extraits de chorégraphies signées notamment Nijinski, Lichine, Noureev, Béjart, Petit, Robbins, Ek et … Nicolas Le Riche qui a signé un Caligula sur un livret de Guillaume Gallienne et une musique de Vivaldi. Une soirée que l’étoile ne conçoit pas comme un adieu, mais comme « un contrat qui s’arrête », donc comme « un moment que l’on célèbre ».
« A terme, révèle Nicolas Le Riche, j’aimerais diriger une compagnie, participer à l’enseignement de la danse » Donc une histoire à suivre.

Palais Garnier 9 juillet 19H30, la soirée est à guichets fermés, mais on peut encore voir Nicolas Le Riche dans « Notre Dame de Paris » de Roland Petit (rôle de Quasimodo) les 3 et 5 juillet à 20H à l’Opéra Bastille.

ARTE captera les adieux de Nicolas Le Riche et les diffusera en direct sur ARTE Concert (concert.arte.tv) et sur le site de l’Opéra de Paris (operadeparis.fr ), puis ultérieurement sur l’antenne d’ARTE.

Photos : "Boléro" crédit Laurent Philippe,
"Le Jeune homme et la mort" crédit Icare

A propos de l'auteur
Yves Bourgade
Yves Bourgade

Journaliste, critique free-lance Yves Bourgade a occupé plusieurs postes au sein de l’AFP où il fut responsable des rubriques théâtre, musique et danse de 1980 à 2007. Comme critique musique a collaboré notamment à la « Tribune de Genève » (1971-1988)...

Voir la fiche complète de l'auteur

Laisser un message

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

S'inscrire à notre lettre d'information
Commentaires récents
Articles récents
Facebook