Paris-Athénée-Louis-Jouvet jusqu’au 24 octobre 2009

Minetti de Thomas Bernhard

La rencontre de deux grands acteurs

Minetti de Thomas Bernhard

L’acteur Minetti arrive dans un hôtel à Ostende la nuit de 31 décembre où il est censé avoir rendez-vous avec un grand directeur de théâtre. La chance de sa vie, lui qui ne joue plus depuis trente ans, si ce n’est devant son miroir. Tout ça à cause d’une aversion pour les classiques qu’il vomit, sauf Le Roi Lear, une exception de taille qui a occupé son existence. Dans le hall de l’hôtel, Minetti soliloque, en attendant, ou faisant mine d’attendre, on ne le saura jamais, tandis que des fêtards éméchés, cotillons et confettis, surgissent bruyamment d’un ascenseur monumental qui occupe le fond de scène, et qu’une femme d’un certain âge, un peu décatie, explique que tous les 31, elle vient passer la nuit dans cet hôtel et, un masque de singe sur le visage, siffle une, ou deux, bouteilles de champagne en solitaire. Et puis il y a aussi la jeune fille, fraîche, la tête ailleurs, amoureuse, qui, elle, attend un jeune fiancé et les promesses de la vie. Minetti ne s’adresse pas vraiment à ses interlocutrices, il a juste besoin, dans une ultime salve, d’expectorer cette colère qui le rend fou et le tue comme dans un seul souffle, le dernier, dans une logorrhée au débit torrentiel. Serge Merlin a choisi de privilégier le registre de la folie, ultime refuge contre le monde insupportable, une lecture qu’il assume parfaitement et qui vient comme un contrepoint, éclairer une autre facette du personnage, après l’interprétation magistrale, tout en retenue violente de Michel Bouquet (mise en scène de Claudia Stavisky en 2003), et celle, crépusculaire et émouvante de Michel Piccoli (mise en scène d’André Engel, 2009). A noter que Merlin comme Piccoli a interprété Le Roi Lear. Si, par cette pièce, Bernhard a voulu rendre hommage à l’acteur Minetti qu’il a bien connu, il y a mis beaucoup de lui-même, de sa conception du théâtre et de sa colère contre la société. On peut reprocher à la mise en scène son absence de parti pris, mais, après tout, Gerold Schumann a fait confiance à son acteur qui a une connaissance intime de Bernhard (on se souvient de sa magnifique interprétation du Réformateur) pour nous offrir ce chant du cygne violent et désespéré par lequel Minetti exprime son amour à mort du théâtre.

Minetti de Thomas Bernhard, mise en scène Gerold Schumann avec Serge Merlin, François Clavier, Eve guerrier, Olivier Mansard, Fabien Marais, Jérôme Maubert, Jessica Perrin, Liliane Rovère, Irina Solano. Décor Olivier Bruchet. Au théâtre Athénée-Louis-Jouvet du mercredi au samedi à 20h, mardi 19h, dimanche 18h jusqu’au 24 octobre. Tel. 010 53 05 19 19. Durée : 1h10.
Texte édité à L’Arche éditeur

crédit photographique : DR-TDV-S.Ferreira

A propos de l'auteur
Corinne Denailles
Corinne Denailles

Professeur de lettres ; a travaille dans le secteur de l’édition pédagogique dans le cadre de l’Education nationale. A collaboré comme critique théâtrale à divers journaux (Politis, Passage, Journal du théâtre, Zurban) et revue (Du théâtre,...

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