Mary said what she said de Darryl Pinckney

Isabelle Huppert en majesté

Mary said what she said de Darryl Pinckney

Pour la troisième fois, après Orlando (1993) et Quartett (2009), l’américain Robert Wilson met en scène Isabelle Huppert. Dans Mary said what she said de Darryl Pinckney, Wilson livre une évocation très abstraite de Marie Stuart, reine d’Ecosse et de France, un destin exceptionnel, romanesque et tragique. Marie devient reine à la mort de son père alors qu’elle n’a que six jours. On la mariera au futur roi de France François II qu’elle épouse en 1558, elle a 16ans. Au bout de deux années de mariage, François II décède à 17 ans et Marie s’en retourne en Ecosse, un royaume déchiré par de nombreux conflits religieux. Elle contracte un mariage désastreux avec son cousin très débauché Lord Darnley dont elle est tombée follement amoureuse, qui meurt quelques mois plus tard dans un attentat. Marie ne trouve rien de mieux à faire que d’épouser l’auteur du crime ce qui lui vaut la prison dont elle s’enfuira et ira se jeter dans la gueule du loup, sa cousine Elizabeth 1re d’Angleterre qui la fera emprisonner 18 ans puis décapiter car jugée une dangereuse complotiste et surtout une rivale. On dit que le bourreau devra s’y reprendre à trois fois pour lui trancher la tête. Ironie de l’histoire, Elisabeth Tudor léguera sa couronne au fils de Marie et de Lord Darnley qui initiera ainsi la dynastie des Stuart.
Darryl Pinckney situe la scène en 1587, la veille de la décapitation de Marie qui, enfermée au château de Fotheringhay, passe sa vie en revue. La silhouette d’Isabelle Huppert se découpe en ombre chinoise sur le fond de la scène nue, tendu d’un monochrome de lumière blanche violente. Au sol deux néons blancs transversaux délimitent l’espace à l’avant et à l’arrière. Figure hiératique, la comédienne tourne le dos à la salle, sanglée dans la robe royale qui lui servira de linceul. La première demi-heure est éprouvante ; la comédienne immobile lutte pour faire entendre le texte couvert par une musique assourdissante et répétitive qui agace les nerfs. Ce ne sera pas le moindre de ses combats face à la difficulté d’un texte éclaté, parfois enregistré, spatialisé dans la salle, répété par fragments dispersés. Si le texte lui oppose des résistances, la comédienne est d’une présence captivante. Tout semble abstrait et pourtant le sens filtre à travers ses gestes saccadés, ses mouvements en boucle de poupée mécanique qui suggère le piège dans lequel est tombé Mary, ses brusques grimaces ou ruptures de rythme. Une performance d’actrice exceptionnelle mais un spectacle un peu fumeux qui nécessite une préparation (la lecture de Marie Stuart de Stefan Zweig par exemple) si on veut pouvoir suivre un peu. A moins que l’on se satisfasse de la prestation d’Isabelle Huppert, ce qui est en soi un bonheur.

Mary said what she said de Darryl Pinckney, traduction, Fabrice Scott ; mise en scène, décor et lumières, Robert Wislon. Musique, Ludovic Einaudi ; costumes, Jacques Reynaud. Avec Isabelle Huppert. Durée : 1h30. Au théâtre de la ville (Espace Cardin) du 22 au 25 mai et du 5 juin au 6 juillet à 20h.
Résa : 01 42 74 22 77

© Lucie Jansch

A propos de l'auteur
Corinne Denailles
Corinne Denailles

Professeur de lettres ; a travaille dans le secteur de l’édition pédagogique dans le cadre de l’Education nationale. A collaboré comme critique théâtrale à divers journaux (Politis, Passage, Journal du théâtre, Zurban) et revue (Du théâtre,...

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