Festival d’Avignon 65e édition

Maldito sea el hombre que confía en el hombre : Un projet d’alphabétisation d’Angélica Liddell

Un abécédaire de l’indignation

Maldito sea el hombre que confía en el hombre : Un projet d'alphabétisation d'Angélica Liddell

Auteure, metteuse en scène, interprète de ses propres créations, Angelica Liddell fut incontestablement la révélation choc de l’édition 2010 du Festival d’ Avignon. Avec deux créations, La Casa de la fuerza (La Maison de la force), témoignage incandescent de sa révolte et de son engagement théâtral, et El Año de Ricardo, évocation personnelle et saisissante de Richard III. Ces deux spectacles (voir webthea 24/07/2010), seront présentés au cours de la prochaine saison, respectivement à l’Odéon-Théâtre de l’Europe (23-28 mars 2012) et au Théâtre du Rond-Point (12-29 janvier 2012).

Ce nouveau spectacle s’articule autour d’un alphabet français, qui de A comme argent à XY comme chromosomes et Z comme Zidane, passe par E comme enfant, H comme haine, M comme méfiance, R comme rage, S comme société, ou encore U comme utopie. Autant de définitions qui permettent à Angélica Liddell de faire entendre ses angoisses, sa solitude et ses rages, face à un monde avili et déshumanisé dont la perception s’est ancrée depuis le plus jeune âge. Dans un décor dont les arbres découpés en contreplaqué peint, puis peuplé de lapins empaillés, évoquant un dépliant de livre d’images, la référence à l’enfance est récurrente pour en clore les illusions. « Je n’ai pas connu un seul enfant qui soit devenu un bon adulte » révèle Angélica. Ainsi, habité par des petites filles en robes dorées, devenues ados en uniforme scolaire, s’instaure la traversée temporelle d’un univers conduisant irrémédiablement à une maturité amère et contestataire, source d’une lucidité féroce d’indignation.

Ponctuée par l’interprétation de la mémorable chanson du film de Carlos Sauras,Cria Cuervos, “Porque te vas” interprété en français (Pour qui tu vis, et où tu vas), du “Paint it black” des Rolling Stones ou de la musique de Schubert interprétée au piano mécanique, qui agissent comme complément d’un argumentaire versant parfois un peu trop dans la puérilité ou la redondance. Malgré la vitalité et la qualité de ses interprètes, performeurs et acrobates, ou l’apport des sculptures expressives du plasticien Enrique Marty. Le spectacle semble victime de la forme abécédaire retenue, qui multiplie les séquences avec des enchaînements plus ou moins signifiants sans retrouver la force expressive et l’unité dramaturgique des précédentes créations. Un assemblage traversé toutefois de belles fulgurances en portant les accents révoltés d’une Angélica Liddell en lutte contre les fantômes du mal, mais dont les plaies ouvertes se teintent ici d’une douceur mélancolique. Avec réserve et méfiance, car comme l’affirme le titre de son spectacle : “ Maudit soit l’homme qui fait confiance à l’homme.”

© Ricardo Camillo de Albaniz

Maldito sea el hombre que confía en el hombre : Un projet d’alphabétisation, texte, mise en scène, scénographie et costumes, Angélica Liddell. Avec Fabian Augusto Gomez, Lola Jiménez, Angélica Liddell, Carmen Menager, Johannes de Silentio. Lumière Carlos Marquerie, son Félix Magalhaes, sculptures Enrique Marty.

Spectacle en espagnol surtitré en français. Durée : 3 heures 15 entracte compris.

A propos de l'auteur
Jean Chollet
Jean Chollet

Jean Chollet, diplômé en études théâtrales, journaliste et critique dramatique, il a collaboré à de nombreuses publications françaises et étrangères. Directeur de publication de la revue Actualité de la Scénographie de 1983 à 2005, il est l’auteur de...

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