Nanterre- Théâtre Nanterre-Amandiers jusqu’au 11 avril 2009

Le Nouveau Testament de Guitry et Faces d’après Cassavettes

Diptyque sur canapés

Le Nouveau Testament de Guitry et Faces d'après Cassavettes

C’est un diptyque imprévu que Daniel Benoin propose à Nanterre après l’avoir présenté à Nice, dans un dispositif tout aussi imprévu :
Le Nouveau Testament de Sacha Guitry et Faces de John Cassavettes. Dans un gigantesque salon, une soixantaine de canapés gris attendent le public mais aussi les acteurs qui vont aller d’un point à l’autre, jouer à côté de vous ou courir à l’autre bout de la salle, pour la première comme pour la seconde pièce. Deux univers différents mais un même thème : le couple et sa déflagration. Le Nouveau Testament conte la ruse d’un homme marié qui disparaît et dont on retrouve la veste contenant ses dernières volontés. On le croit mort, mais il ne l’est pas. On lui suppose une maîtresse, mais il n’en avait pas… Dans ce vaste espace bousculé, élargi par des écrans reprenant des actualités de 1934, le spectacle relie la petite histoire à la grande et fait entendre que Guitry avait quelques longueurs d’avance du côté de la liberté des amants. Les acteurs, tels que François Marthouret, Marie-France Pisier, Denise Chalem, Paulo Correia, Paul Charrieras viennent d’un monde théâtral et cinématographique qui a porté les grandes révolutions du jeu et des relations sociales. Ils ne savent pas jouer comme avant-guerre ! D’où une rapidité, une crudité, une désespérance, une férocité et une tendresse qui cassent en beauté la vitrine nostalgique.
Plus qu’une histoire, Faces de Cassavettes est une explosion de sentiments, de ruptures, d’étreintes et d’abandons. Les aventures pivotent autour d’une femme belle et oisive et d’un homme d’affaires qui quitte brutalement son épouse pour passer quelques instants - une nuit ou une vie - dans l’adoration de cette beauté énigmatique. Une série de rencontres interviennent dans la villa où elle habite. Des personnages mal embouchés, grossiers amants, vulgaires profiteurs et l’épouse délaissée se heurteront dans ce carrousel nocturne où l’on tangue vertigineusement sur la passerelle étroite qui sépare l’amour de la solitude.
On pourra même être invité à danser – le temps d’une pirouette de rock – par un acteur ou une actrice. Ainsi l’action est tantôt d’une extraordinaire proximité, tantôt lointaine. Des images vidéos complètent le regard ; discontinues et filmées en direct par les acteurs, elles sont l’apport discret d’un autre langage, des angles de vue complémentaires.
Le spectacle est tout à fait étonnant, le désespoir ou l’appétit de vivre des personnages vous tombant littéralement dessus. Les acteurs, joliment habillés par Nathalie Bérard, ne cherchent pas à singer les comédiens du film, ce qui leur donne une belle liberté. Hélène Noguerra est d’une belle douceur grave ; François Marthouret donne de l’élégance à la férocité ; Valérie Kaprisky est particulièrement émouvante. Valérie Bodson, Paul Charriéras, Frédéric de Goldfiem, Paulo Corriera, Catherine Marques ont tous des personnalités fiévreuses. Ce diptyque secoue les routines du théâtre avec volupté.

Le Nouveau Testament de Sacha Guitry, jusqu’au 5 avril, Faces d’après John Cassavettes, traduit par Linda blanchet et Daniel Benoin du 4 et 7 au 11 avril. Mise en scène, décor et lumière de Daniel Benoin. Nanterre-Amandiers, tél. : 01 46 14 70 00 (chaque spectacle : 2 h).

A propos de l'auteur
Gilles Costaz
Gilles Costaz

Journaliste et auteur de théâtre, longtemps président du Syndicat de la critique, il a collaboré à de nombreux journaux, des « Echos » à « Paris-Match ». Il participe à l’émission de Jérôme Garcin « Le Masque et la Plume » sur France-Inter depuis un quart...

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