La Ménagerie de verre de Tennessee Williams
Affaires familiales
Dans cette oeuvre très autobiographique, écrite en 1944, Tennessee Williams met en scène sa sœur Rose, Laura (Ophélia Kolb) dans la pièce, atteinte d’une infirmité physique et d’un handicap mental imprécis (Rose était schizophrène). La mère de Laura, Amanda (Cristiana Reali) a une personnalité débordante, désespérément volubile, hystérique à force d’angoisse étouffée. Williams se met en scène à travers le personnage du frère, Tom (Charles Templon), le narrateur de cette histoire conçue comme des réminiscences intimes.
L’histoire est construite autour de la sœur, boiteuse, timide à l’excès, qui se réfugie dans l’écoute de vieux disques ou dans la contemplation de son bestiaire de verre, ses poupées transparentes. Tom, seul soutien financier de la famille, reste à la maison par devoir moral, par affection pour les siens, mais il étouffe et sort tous les soirs soi-disant au cinéma tout en rêvant d’aventures maritimes. Un digne fils de son père qui les a abandonnés pour aller courir le monde, dit la mère. Amanda trouve normal de se reposer sur lui et ne pense qu’à marier Laura, refusant d’admettre que c’est impossible. La vie est dure dans ces années 1930. Pensant rendre service, Tom amène à dîner un collègue de travail, l’Irlandais Jim O’Connor (Félix Beaupérin) qui s’avère être un amour de jeunesse de Laura. La mère les a déjà mariés dans sa tête mais craintive, Laura ne veut pas le voir. Il saura l’apprivoiser, trop peut-être. Par mégarde, il casse la petite licorne en verre à laquelle elle tenait tant. La fleur fragile, qui s’était timidement ouverte, referme ses pétales. Tennessee Williams ne disait-il pas à propos de sa sœur qui avait subi une lobotomie en 1943 : « Les pétales de son esprit sont repliés par la peur. » ? Une œuvre de jeunesse qui n’a pas la force des pièces suivantes (Une chatte sur un toit brûlant, Un tramway nommé désir), mais qui touche par la délicatesse poétique de l’écriture qui exprime les tourments et les atermoiements du cœur des personnages prisonniers d’eux-mêmes.
La mise en scène de Charlotte Rondelez conjugue onirisme et réalisme mais elle laisse peu de place à la poésie, aux non-dits, à la musique des états d’âme, aucun arrière-plan suggéré, exception faite pour la jolie scène entre Jim et Laura dont on perçoit les enjeux fragiles, très justement interprétée par Félix Beaupérin et Ophélia Kolb qui, d’une manière générale, sortent bien leur épingle de ce jeu difficile, souvent surjeu chez Cristiana Reali qui trouvera sûrement les nuances qui manquent à son personnage comme au spectacle en général, actuellement un peu vert.
La Ménagerie de verre de Tennessee Williams. Traduction, Isabelle Famchon ; mise en scène, Charlotte Rondelez ; décor, Jean-Michel Adam ; costumes, Jean-Daniel Wuillermoz ; lumières, François Loiseau. Avec Cristiana Reali, Ophélia Kolb, Félix Beaupérin, Charles Templon. Au théâtre de Poche-Montparnasse du mardi au samedi à 21h. Durée : 1h40. Résa : 01 45 44 50 21