La Langue des Cygnes de Laurie Cannac au Festival Mondial des Théâtres de marionnettes à Charleville-Mézières

Un spectacle virtuose de danse, marionnette et langue des signes pour aller au-delà des différences.

La Langue des Cygnes de Laurie Cannac au Festival Mondial des Théâtres de marionnettes à Charleville-Mézières

Un spectacle virtuose de danse, marionnette et langue des signes, librement inspiré du Vilain Petit Canard d’Andersen. Laurie Cannac a adapté ses deux précédentes créations en y intégrant une comédienne signante, et elle a éprouvé le désir de continuer plus loin ses recherches esthétiques.

Avec le danseur et le chorégraphe gabonais Andy Scott Ngoua qui incarne le personnage principal, et avec la comédienne et conteuse sourde Karine Feuillebois, qui joue sa mère. Les signes projetés de cette mère aux abois se mêlent aux mouvements s’ensemble tandis que le musicien Adri Sergent joue en live - un équilibre de tous les langages visuels scéniques pour cette belle histoire.

Non pas un apitoiement sur le sort de l’exclu, mais une reconnaissance des épreuves significatives qui construisent celui-ci et lui montrent son chemin : « Ma différence sera ma force », dit-il.

Et les expériences malheureuses ne se comptent plus, d’une saison à l’autre, depuis l’été qui a vu naître le Vilain Petit Canard - époque trouble et incertaine mais encore joyeuse, libre et insouciante -, en passant par l’automne « sauvage », marqué par le combat entre les chasseurs et leur proie. L’hiver encore exigera sa part d’évanouissement létal et de mort qui laisse toujours subsister quelque chose qui prendra son envol et renaîtra encore de ses cendres et de ses restes.

Enfin, le printemps advient, regorgeant de tous ses possibles - rêves d’émancipation et d’accomplissement, projections vers un futur lumineux dégageant le bonheur d’être en vie.

La mère au départ du spectacle - portrait projeté sur un écran de voile blanc - ne manque pas de punch, ses pattes de cane en avant, et grosse d’un oeuf qui ne saurait tarder à voir le jour. Il est vrai qu’elle vient d’être insultée et rejetée sans ambages par les autres volatiles de la basse-cour ou du poulailler : « Casse-toi avec tes oeufs pourris ! », lui a-t-on jeté rudement et grossièrement.

Or, la cane porteuse de son bébé-oeuf à venir ne manque pas d’humour, protégeant son quant-à-soi. Elle observe tout ce monde versatile autant que volatile en ne se laissant pas atteindre.

Puis, l’enfant naît, entre vidéo, théâtre d’ombre et incarnation sur le plateau scénique. Andy Scott Ngoua dans tous ses états artistiques est un danseur et chorégraphe magnifique et radieux, virevoltant, se contorsionnant, jouant de hip-hop et autres formes contemporaines. Il vit, respire, inspire, et s’inspire du souffle de la vie qui va, fort d’une tonicité et vitalité exceptionnelles. C’est lui qui fait le jour et la lumière - un soleil en majesté qui réchauffe, dessiné sur la toile initiale.

Certes, le cygne rencontre sur son parcours de tristes figures - marionnettes étranges et menaçantes que lui-même manipule et articule de ses bras et de ses jambes -, ombres de monstres menaçants. Il croise un roi qui ordonne exige qu’on le serve, mais le cygne l’évacuera.

Il rencontre une mère de laquelle on apprend et répète que ce n’est pas la sienne : des petits cygnes jaloux et envieux, non partageurs ni pris de pitié, sans nulle empathie. Or, le héros malgré lui transcende tous les obstacles et suit son instinct pour que se soulève cette belle plume de Mohican de toutes les enfances - métaphore éblouissante de l’envol et de l’élévation de soi.

Un spectacle solaire au milieu de toutes les nuits des enfermements et des portes qu’on voudrait clore et claquer : danse, théâtre d’ombre, marionnettes miniaturisées ou non, le tableau fascine.

Une performance complète dans la maîtrise des formes visuelles, plastiques et marionnettiques.

La Langue des Cygnes (Cie Graine de vie, France), mise en scène et marionnettes Laurie Cannac, chorégraphie et interprétation Andy Scott Ngoua, musique Adri Sergent, lumière Sébastien Choriol, jeu en langue des signes française projeté Karine Feuillebois. Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes à Charleville-Mézières - Ardennes - Grand Est, 22 è édition, du 16 au 24 septembre.

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Véronique Hotte

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