Joëlle Bouvier et Béatrice Massin à l’affiche du Théâtre de Chaillot

Bach et Wagner source d’inspiration

Joëlle Bouvier et Béatrice Massin à l'affiche du Théâtre de Chaillot

A leurs débuts, à l’aube des années 70 du XXème siècle, la jeune danse française, à quelques exceptions, a beaucoup utilisé les musiques de compositeurs du passé, parfois par ignorance de ce qui s’écrivait de différent alors, ou pour des raisons financières… Ses représentants ont fini par faire connaissance avec leurs contemporains compositeurs.

Les années passant, le recours chez les chorégraphes à la musique du passé, revient, comme en témoignent deux spectacles chorégraphiques de deux Françaises, affichés ce mois de mars 2016 au Théâtre national de Chaillot à Paris.

Joëlle Bouvier débarque avec le Ballet du Grand Théâtre de Genève qui lui a passé commande d’un Tristan et Isolde (Salue pour moi le monde !) créé en 2015 d’après le livret et la musique de Tristan und Isolde de Richard Wagner (23 mars-1er avril).

Béatrice Massin, un cas à part dans la danse française, par son souci de faire évoluer la danse baroque à la lumière de ce qu’elle a d’abord appris chez Susan Buirge, propose à Chaillot sa dernière création, Mass B sur des extraits de la Messe en si de Jean-Sébastien Bach, chorégraphie créée et dansée par sa compagnie Fêtes galantes (9-18 mars).

Lorsque l’on se souvient que Joëlle Bouvier a travaillé, créé et dansé en duo pendant quelque 20 ans avec Régis Obadia, on ne sera guère surpris de la voir s’intéresser au couple Tristan et Isolde. Pour les dix neuf danseurs du Ballet du Grand Théâtre de Genève, elle avait déjà créé un « Roméo et Juliette » (vu à Chaillot en 2011). Bien que poursuivant sa carrière de son côté, elle est marquée par son enracinement premier et son expérience du duo. Ce qui l’intéresse toujours, c’est une exploration de l’intime de ses personnages. Des quatre heures de l’opéra de Wagner, à l’intrigue suggérée dans un respect de la chronologie de la musique, Joëlle Bouvier a tiré une heure trente de ballet. Le dispositif scénique d’Émilie Roy est réduit à un escalier, des planches en bois suggérant une forêt, des tissus mouvants. Le tout est plongé dans une pénombre qui entretient le mystère de cette tragique et légendaire histoire d’amour. Se détache du groupe le couple des amants symboliquement reliés par une corde qui les oblige parfois à une gestuelle rappelant celle de gymnastes. Dans d’autres situations, on retrouve les flexions, les chutes au ralenti qu’aime la chorégraphe et que la musique la force à appuyer encore davantage, ce que d’aucuns regrettent.

Le projet de Béatrice Massin dans Mass B, pour dix jeunes danseurs venus d’écoles très diverses, est de tenter d’apporter à ses interprètes et au public « un désir de construction commune en réponse aux images actuelles de ruines et de crises qui traversent la société ». La scénographie de Frédéric Casanova est composée d’un plateau et d’un plafond en partie déchiquetés dans des lumières de Caty Olive. La partition de Bach pour effectif instrumental et un chœur, véritable construction mathématique avec sujet et contre–sujet, est spatialisée et « animée » par le créateur sonore Emmanuel Nappey. Dans ce cadre, la chorégraphe « offre », dit-elle, « la possibilité à chaque danseur invité, d’interroger l’esprit baroque à partir de ses propres outils, de son histoire ». Béatrice Massin signe une danse qui fait le lien entre rigueur de la forme baroque et singularité de la performance de chaque danseur. Ce qu’elle souhaite aussi c’est que cette « fugue chorégraphique », qui est, selon elle, une « expérience sensorielle », soit en effet « une proposition qui vienne démultiplier chez le spectateur un art du sentir, de la sensation, du perceptif ».

Tristan et IsoldeGrande salle de Chaillot à Paris, 20h30 les 23,25, 26, 29, 30 mars, 1er avril, 19h3O, 24 et 31 mars, durée 1h30, 39€.
Sceaux, 26 au 28 mai.

Mass B Grande salle de Chaillot à Paris, 20h30, les 9, 11, 12, 15, 16 et 18 mars 19h30 les 10 et 17 mars, durée 1h, 35 €.
Alfortville 8 avril.
Saint-Quentin en Yvelines 13 avril.
Bordeaux 3 juin.

Photos : "Tristan et Isolde" © Gregory Batardon, "Mass B" ©Patrick Cockpit

A propos de l'auteur
Yves Bourgade
Yves Bourgade

Journaliste, critique free-lance Yves Bourgade a occupé plusieurs postes au sein de l’AFP où il fut responsable des rubriques théâtre, musique et danse de 1980 à 2007. Comme critique musique a collaboré notamment à la « Tribune de Genève » (1971-1988)...

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