jusqu’au 12 février 2015
Grand fracas issu de rien, création collective
De l’art du jonglage interdisciplinaire
- Publié par
- 8 février 2015
- Critiques
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Prenez dans le désordre un percussionniste (Benjamin Sanz), un jongleur (Adrien Mondot), un gymnaste (Lucas Antonellis), une cantatrice coloratur (Sevan Manoukian) qui chante a cappella parfois dans des positions acrobatiques, une vidéaste (Claire Bardainne) qui manipule à vue des images virtuelles aériennes et poétiques, un comédien (Dominique Parent) qui lance comme au porte-voix des extraits de texte de Valère Novarina ou chante en duo avec la cantatrice sous les palétuviers roses (chanson immortalisée par Pauline Carton et André Berley en 1936), mélangez bien, ne laissez pas reposer, et consommez sans modération.
Spectaculaire et théâtral
Le "cabaret spectral" (parce que "spectaculaire et théâtral") de Pierre Guillois réunit cinq disciplines représentées par cinq artistes virtuoses qui conjuguent joyeusement leurs talents pour créer un feu d’artifice d’images sonores délicat et espiègle. Pas de fil rouge, pas de lien entre les numéros si ce n’est le rapport intime entre exploit physique et poésie, rythme des corps, de la musique et des images. Le même souffle anime chaque prestation, circule de l’un à l’autre. Jonglage réel et virtuel avec des balles en suspension qui nous laisse en suspens, jonglage stupéfiant de Dominique Parent avec les mots de Novarina proférés à grande vitesse dans une explosion sonore ininterrompue, une logorrhée joyeuse et absurde qui rompt la structure du langage pour ouvrir des espaces à l’imaginaire. Florilège : " Un forcené vient d’être maîtrisé par les brigades grammaticales d’intervention alors qu’entré par effraction dans les locaux vacants de l’imprimerie nationale, il tentait d’intervertir l’ordre alphabétique de toutes les lettres afin de porter outrage à l’ordre du langage" ; "le lendemain de ma journée d’action, on me sonna pour de bon la chanson du Reclus d’Oléron, je chantais :"Connais-tu la région où fleurit le citron ?" ; "Un attentat sous X vient d’être commis dans la ville sainte de Provins afin de donner à Dieu un signal fort" ; "C’est le poids de l’avenir qui nous retient d’aller de l’arrière".
Ce spectacle (créé au Théâtre du peuple à Bussang en 2011) original, élégant, réglé avec une belle précision est un hymne à la joie de rêver, contaminé par un humour qui se glisse partout, dans les baguettes du percussionniste, dans les cordes vocales de la cantatrice comme dans les interactions magiques entre les artistes et les nuages ou la pluie de lettres virtuelles ou de balles follement rebondissantes.
Grand fracas issu de rien, cabaret spectral ; création collective, concept Pierre Guillois, Claire Bardainne (interprétation numérique), Lucas Antonellis (gymnastique), Sevan Manoukian (chant), Adrien Mondot (jonglage et informatique), Dominique Parent (jeu), Benjamin Sanz (percussions). Costumes, Axel Aust ; lumières, Jean-Yves Courcoux. Au théâtre 71 à Malakoff, jusqu’au 12 février, mardi à 20h30, mercredi et jeudi à 19h30. Rés : 01 55 48 91 00. Durée : 1h15.
www.theatre71.com
Photo David Siebert