Paris-Théâtre du Petit-Montparnasse
Des gens d’après Raymond Depardon
La douleur de vivre
Le matériau est du brut, du volé directement à la vie. Zabou Breitman a composé son spectacle à partir de scènes empruntées à deux films de Raymond Depardon. Le premier, Urgences, filmait malades et médecins d’un hôpital psychiatrique. Le second, Faits divers, saisissait la vie d’un commissariat de police. Zabou a fait un mixte : malades mentaux et misérables de la vie sociale, ce n’est pas la même humanité mais ils se rejoignent dans l’échec, la douleur, la détresse, la perte de lucidité. De la même façon, les psychiatres et les policiers ont parfois le même sens de l’écoute. C’est ainsi que passent un conducteur de bus qui a arrêté son bus en plein Paris pour ne pas continuer cette vie, des plaignants, des victimes, un retraité qui n’a plus goût à rien et se dit « malade moral »…
Le décor a beaucoup d’importance, et aussi la présence de deux figurants, qui incarnent plutôt les infirmiers que les policiers. Zabou Breitman n’a pas choisi l’abstraction mais une présence du bureau, de la salle d’attente, du cabinet médical, de la salle de la police, évoqués par des éléments qui glissent, viennent et reviennent. Chacun des deux acteurs joue une série de personnages, au gré d’une métamorphose qui les fait passer d’une psychologie à une autre et du rôle de la victime à celui qui questionne, relève et consigne. Zabou n’est jamais dans l’éclat, mais dans la douceur et la souffrance, dessinant subtilement ces anti-héroïnes. Laurent Lafitte déploie la même délicatesse et campe des personnages encore plus divers.
Sans appuyer, le trait que trace Zabou va loin, en bouleversant et en suscitant le rire. C’est aussi beau et fort que les spectacles que Peter Brook consacra à la maladie mentale (L’Homme qui prenait sa femme pour un chapeau).
Des gens d’après les films « Urgences » et « Faits divers » de Raymon Depardon, adaptation et mise en scène de Zabou Breiman, avec Zabou Breiman et Laurent Lafitte, espace, lumière et images de Pierre Nouvel, Petit-Montparnasse, 19 h, tél. : 01 43 22 83 04 (1 h 40).