Paris, Théâtre de l’Œuvre

David et Edward de Lionel Goldstein

La comédie humaine

David et Edward de Lionel Goldstein

Un homme (Michel Aumont) d’un certain âge visiblement éploré se recueille sur la tombe de sa femme quand surgit un inconnu (Michel Duchaussoy), les bras chargés d’un bouquet, qui cherche la tombe de la même femme. La rencontre débute sur un dialogue de sourds. Le premier, le « légitime », convaincu qu’il ne peut s’agir que d’une erreur, rabroue l’autre, lui signifie que ses fleurs sont déplacées, contraires à la tradition juive, et que, de toute façon, il n’a rien à faire ici. On s’en doute, ces deux-là ont connu la même femme, l’un le sait mais pas l’autre. Au fil de leurs disputes, au cours desquelles les deux hommes décochent des flèches bien empoisonnées, quand il ne s’agit pas de rituel vaudou, on apprendra que l’inconnu, Edward, dans sa jeunesse, est tombé follement amoureux de Florence jusqu’à ce qu’elle rencontre David qui la lui a ravi sans le savoir. Edward et Florence ont continué de se voir pendant cinquante ans, en secret. David finit par faire des aveux qui exaspèrent le chagrin d’Edward. Il s’avère très vite que ces deux-là n’ont pas connu la même femme. D’ailleurs la preuve en est que l’un ne connait que Florence tandis que l’autre ne connait que Flo. C’est tout dire. Sur un air de comédie acide, Goldstein jette un regard désenchanté sur les relations conjugales, et les relations humaines en général qui sont tissées de malentendus. Michel Duchaussoy interprète Edward avec une fausse bonhomie ; dès son entrée en scène, il se pose là, bien décidé à ne plus bouger. Il est venu occuper la place qui lui revient et tout est bon pour signifier l’ascendant qu’il a pris sur David dont il sait tout alors que lui ignorait, il y a peu, jusqu’à son existence. Il revendique son statut d’amant légitime avec une force tranquille têtue. Face à de tels arguments, Michel Aumont ne ménage pas sa peine et déploie des trésors d’expressivité. Bougon, en colère, le bonhomme s’agite, enrage, tourne autour de son rival comme un adversaire sur un ring, l’empoigne à l’occasion, le malmène de bourrades ou de formules vachardes. Aumont est un grand acteur qui aime les personnages qu’il incarne et qu’il sait rendre attachant, familier. Il confère à David l’épaisseur qui fait la complexité des êtres humains, là où d’autres simplifieraient au prétexte qu’on est dans une piquante comédie anglo-saxonne.

David et Edward de Lionel Goldstein, traduction Eliane Rosilio, mise en scène Marcel Bluwal, scénographie Catherine Bluwal, Lumières Jacques Rouveyrollis, Costumes Claire Belloc. Au théâtre de l’Œuvre du mardi au samedi à 21h, matinée le samedi à 18h30 et le dimanche à 15h30. Tel : 01 44 53 88 88. Durée : 1h30

crédit photographique : Claire Besse

A propos de l'auteur
Corinne Denailles
Corinne Denailles

Professeur de lettres ; a travaille dans le secteur de l’édition pédagogique dans le cadre de l’Education nationale. A collaboré comme critique théâtrale à divers journaux (Politis, Passage, Journal du théâtre, Zurban) et revue (Du théâtre,...

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