La disparition de Georges Wilson

Crève-coeur

La disparition de Georges Wilson

Fichue semaine que cette semaine qui s’achève et a vu d’abord Pierre Vaneck (voir l’article de Gilles Costaz) puis Georges Wilson « lâcher la rampe ». Leur ultime salut nous renvoie à ce qui les assemble et les a rassemblés, le TNP de Jean Vilar. Aventure mémorable où s’infusa une exigence commune, une identique volonté de se tenir à l’écart des frivolités d’un métier qui, pour eux, était un art. Ils jouèrent ensemble sous Vilar et en 1965, Pierre Vaneck y fut Hamlet dans la mise en scène de Georges Wilson qui avait succédé à Jean Vilar en 1963.
Né le 16 octobre 1921 à Champigny-sur-Marne, Georges Wilson est acteur musicien avec la Compagnie Grenier-Hussenot avant d’intégrer le TNP. Acteur puissant, prenant ses rôles à bras le corps avec leur charge d’humanité, il a joué la tragédie et la comédie, Kleist et Molière, Shakespeare et Brecht, Corneille et Pichette. Devenu directeur du TNP, il monte aussi bien Giraudoux (La Folle de Chaillot) que Sartre (Le Diable et le Bon Dieu ) ou encore Edward Bond.(Early Morning).
Georges Wilson, qui aimait à emprunter les mots de Charles Dullin « Je n’ai ni principe ni théorie », succédant à Jean Vilar, se donna pour règle d’être fidèle à son esprit et à ses visées : « J’entends bien, comme lui, ne jamais me servir de ce théâtre, mais le servir ». Pour lui, la fidélité passait notamment par l’attention portée aux auteurs contemporains et c’est pour les y accueillir, qu’à côté du vaste vaisseau qu’était alors le TNP-Chaillot, il fit construire la salle Gémier. Philippe Adrien y fut révélé comme auteur avec La Baye mise en scène par Antoine Bourseiller. C’est là aussi, dans Sauvé, la pièce d’Edward Bond mise en scène par Claude Régy, que le public découvrit deux jeunes acteurs pleins de promesses Gérard Depardieu et Hugues Quester.
Lorsqu’il quitte le TNP en 1972, il va « sans principe ni théorie » d’un rôle à l’autre, du théâtre public au théâtre privé. On le voit Ubu bouffi d’imbécillité et de suffisance au TEP. Au Théâtre de l’Œuvre, dans Le Cri de la langouste, on le vit secrétaire souffre douleur extasié aux côtés de Delphine Seyrig, Sarah Bernhardt vieillissante et versatile, ou encore au Festival d’Avignon dans En attendant Godot avec Michel Bouquet et Rufus, mais son partenaire privilégié aura été Jacques Dufilho avec qui il joua notamment Les Aiguilleurs (1979), L’Escalier (1985), Les Dimanches de Monsieur Riley (1992)
Si on l’a vu au cinéma, à la télévision et s’il réalisa le film La Vouivre, la grande affaire de Georges Wilson aura été le théâtre, ce tyran qui peut nous faire estropié mais nécessaire au même titre que le pain. « Thomas Bernhard est pour moi une manière d’interroger une fois encore le théâtre et le sens que j’ai donné à ma vie en m’y consacrant tout entier » expliquait-il encore cet automne à propos de la pièce qu’il jouait au Théâtre des Bouffes du Nord, Simplement compliqué. Spectacle en somme testamentaire, dans lequel, comme nous livrant son autoportrait, il interprétait un vieil acteur reclus, misanthrope et éruptif, fou d’orgueil meurtri et vulnérable en même temps que d’une saisissante humanité.
Toute disparition est un crève cœur, celle de Georges Wilson, comme celle de Pierre Vaneck sont d’autant plus bouleversantes qu’avec eux, c’est un peu de la mémoire du TNP et de son épopée qui s’efface.

Photo : Georges Wilson et son fils Lambert Wilson dans Bérénice de Racine en 2008
AFP/Archives/Jacques Demarthon

A propos de l'auteur
Dominique Darzacq
Dominique Darzacq

Journaliste, critique a collaboré notamment à France Inter, Connaissance des Arts, Le Monde, Révolution, TFI. En free lance a collaboré et collabore à divers revues et publications : notamment, Le Journal du Théâtre, Itinéraire, Théâtre Aujourd’hui....

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