Boulogne Billancourt- Théâtre de l’Ouest Parisien jusqu’au 18 octobre 2009

La Parisienne d’Henry Becque

Les souffrances d’une femme légère

La Parisienne d'Henry Becque

Laissé par la postérité dans une semi-pénombre au profit de ses contemporains plus glorieux comme Labiche ou Dumas fils, Henry Becque ressurgit de temps à autre, pour faire entendre son ton doux-amer qui vire volontiers vers la cruauté.La Parisienne, sa pièce la plus connue, trace quelques mois de la vie d’une femme mariée peu fidèle, prise entre un amant d’une jalousie frénétique et un mari peu regardant. Elle ne déteste pas s’adonner à d’autres aventures mais ce sera pour découvrir qu’on fait semblant de l’aimer pour mieux l’abandonner. Becque fait rire de tout mais, sous la comédie, il dessine les souffrances d’une femme dite légère et la plaint, en réservant aux personnages masculins la férocité de sa plume.
Beaucoup d’actrices, Nathalie Baye, Dominique Constanza, Caroline Sihol ont joué Clotide, « la Parisienne », dans des mises en scène très respectueuses. Frédéric Maragnani, qu’on a surtout vu au service d’un répertoire très moderne (Noëlle Renaude, Howard Barker, Eugène Durif), place Marie-Armelle Deguy au centre d’une mise en scène qui élimine les détails concrets pour dessiner les personnages à partir de quelques traits essentiels. Le jeu de Marie-Armelle Deguy, construisant magnifiquement une bourgeoise victime du jeu social et sensuel, toujours plus lucide que les hommes qui la dominent, Philippe Vieux, mari sorti du monde actuel des affaires (car cela est décalé en notre temps), Jean-Paul Dias, amant muré dans sa jalousie, tient parfois du guignol façon Jarry ou Courteline. Mais c’est plus souvent du Becque joué comme du Jon Fosse, c’est-à-dire sans les signes qui expliquent ou commentent, avec des silences et des arrière-plans que le spectateur doit interpréter de lui-même. Cela peut être déroutant pour les amateurs du vaudeville ou de la comédie de mœurs estampillés. Mais cette façon d’alléger le texte pour dire plus avec moins de mots est la transposition réussie d’un art du XIXe en un objet théâtral fusionnant le passé et le présent. Un tour de force où l’œuvre n’est pas distordue mais autrement révélée.

La Parisienne d’Henry Becque, mise en scène et scénographie de Frédéric Maragnani, lumières d’Eric Blosse, costumes d’Hervé Poeydomenge, avec Marie-Armelle Deguy, Jean-Paul Dias, Marion Lécrivain, Gilian Petrovski, Philippe Vieux. Théâtre de l’Ouest parisien, Boulogne-Billancourt, tél. : 01 46 03 60 44, jusqu’au 18 octobre (1 h 15).

A propos de l'auteur
Gilles Costaz
Gilles Costaz

Journaliste et auteur de théâtre, longtemps président du Syndicat de la critique, il a collaboré à de nombreux journaux, des « Echos » à « Paris-Match ». Il participe à l’émission de Jérôme Garcin « Le Masque et la Plume » sur France-Inter depuis un quart...

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